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Iacobus

Iacobus

Titel: Iacobus
Autoren: Matilde Asensi
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choisir mon assistant ou préférez-vous le nommer ?
    — Oh ! rien ne presse ! Parlez
avec le frère nourricier et choisissez le novice qui vous paraîtra posséder les
plus grandes aptitudes.
    Après tout, me dis-je, agréablement surpris, ce
moine n’est pas devenu prieur par hasard.
    L’après-midi même, je prenais le chemin de la
bibliothèque et sortais des rayonnages des archives les chartae correspondant à l’année 1303, année de naissance de
Jonas. Sur mon lectorile, à côté d’un bel exemplaire des Commentaires sur l’Apocalypse de Beatus et d’un traité
d’Averroès, j’empilais une montagne de documents traitant de donations, de
travaux entrepris pour la construction de greniers à grain ou la restauration
des nefs de l’église, de récoltes, enregistrant les naissances et morts des
serfs, les testaments, les achats, les ventes, bref un nombre invraisemblable
de faits officiels et ennuyeux. Armé d’une patience infinie, je les épluchais
pendant deux longues journées avant de tomber enfin sur les informations
concernant les enfants abandonnés dans l’abbaye cette année-là. Je me réjouis
alors de ne pas connaître le prénom que les moines avaient donné au jeune
Jonas. Cette année-là, trois enfants avaient été abandonnés, et de cette
manière aucune préférence ne pouvait ternir ma lecture.
    L’une de ces créatures, cependant, se détacha
immédiatement du lot : le 12 juin, à l’aube, le frère operarius, qui sortait pour réparer les ailes cassées d’un moulin, trouva dans un panier
posé sur le seuil de la porte un nouveau-né, enveloppé dans de riches vêtements
dénués cependant de tout signe distinctif. L’enfant portait au cou une petite
amulette de jais noir en forme de poisson sertie dans une monture d’argent – ce
qui perturba les moines : et s’il s’agissait d’un enfant juif ? Ils
trouvèrent, dissimulée entre les langes, une lettre non scellée demandant que
l’enfant soit baptisé selon les rites chrétiens avec le nom de Garcia. Mes
recherches avaient abouti ! Je possédais désormais toutes les preuves qui
m’étaient nécessaires. Il me fallait maintenant vérifier que le Garcia des
documents était bien le Jonas de l’infirmerie. Alors que je me dirigeais, peu
de temps après, vers la maison des pueri oblati avec
l’intention de sélectionner mon futur apprenti, le destin me joua un de ses
tours dont il avait le secret ! Je n’avais pas passé le seuil de la porte
qu’un cri répondait soudain à toutes mes questions :
    — Garciaaaaa !
    Ledit Garcia passa comme une flèche devant moi,
son habit relevé jusqu’aux cuisses comme lorsqu’il s’était échappé de
l’infirmerie.
     
    Et ce fut Noël de nouveau, mais cette année-là
les fêtes furent assombries par le décès de l’abbé de Ponç de Riba. Je m’étais
efforcé, sans grand succès, de soulager ses douleurs avec de fortes doses de
pavot somnifère, mais cela n’avait guère servi. En palpant son ventre aussi
gonflé et tendu que celui d’une femme enceinte, je sus qu’il n’y avait plus
aucun espoir. Je lui proposai néanmoins d’extirper cette tumeur maligne, mais
il refusa sans détour. Il rendit l’âme dans de grandes souffrances le jour de
l’Épiphanie de l’an 1317. Le bruit effroyable de la crécelle se fit entendre
trois jours durant dans tout le monastère, rendant plus oppressant encore le
deuil dans lequel était plongée la communauté.
    Les funérailles durèrent plusieurs mois et
furent chargées de faste et de pompe. Les prélats des abbayes soeurs de France,
d’Angleterre, d’Italie y assistèrent. Enfin, au début du mois d’avril, la
communauté dans son entier s’enferma. Le chapitre, présidé par l’abbé de la
maison mère, le monastère français de Bellicourt, devait élire un nouvel Abba. Les délibérations se succédèrent sans qu’aucune information sur ce qui se
passait à l’intérieur ne filtre pour les rares d’entre nous qui étions tenus à
l’écart des conciliabules. Mais au terme de la première semaine, nous nous
étions habitués à la situation. Et en profitions même, la présence de l’abbé de
Bellicourt aidant grandement à améliorer la qualité et la quantité de nos
repas. Nos portions de viande avaient notablement augmenté, et comme nous
approchions de l’été, le frère cuisinier accompagnait les mets de sauce au
persil ou au verjus. De même, la quantité quotidienne de pain passa
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