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Iacobus

Iacobus

Titel: Iacobus
Autoren: Matilde Asensi
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dormir à la belle étoile, le corps en
contact avec la terre nourricière. Je ne pouvais encore lui expliquer à quel
point ce lien avec les forces secrètes de la vie était important – il n’avait pas
encore été initié –, mais je le vis reverdir comme une plante au printemps. Le
pâle novice maigrichon de Ponç de Riba qui était déjà presque aussi grand que
moi devint le vigoureux écuyer qui devait accompagner tout chevalier digne de
ce nom.
    Béziers fut traversée au grand galop, et il nous
fallut une seule journée pour aller de Montpellier à Nîmes. Le 31 mai, à la
dernière heure de l’après-midi, nous pénétrions enfin sur les terres papales du
Comtat Venaissin, stratégiquement situées entre la France, l’Allemagne et
l’Italie. Le soleil n’avait pas encore disparu derrière nous que nos montures
franchissaient d’un pas résonnant le magnifique pont Saint-Bénezet.
    Le palais épiscopal fut le premier édifice qui
se présenta à nous une fois les murailles d’Avignon franchies. Épuisés, nous
fîmes avancer nos chevaux au pas vers le quartier juif. La commanderie des
chevaliers de l’Hôpital Saint-Jean se trouvait juste derrière.
    Un serf nous ouvrit les portes et se chargea de
nos montures tandis qu’un armiger nous escortait
vers l’intérieur.
    — Où voulez-vous loger votre écuyer ?
me demanda-t-il sans tourner la tête.
    — Emmenez-le avec vous, frère. Qu’il dorme
avec ses compagnons.
    Jonas eut un mouvement d’impatience et me jeta
un regard courroucé.
    — Je suis désolé, frère Galcerán, dit-il,
mais je ne peux pas dormir dans une maison d’hospitaliers.
    — Ah ! non ? répondis-je, amusé,
tout en avançant par de longs couloirs recouverts de riches tapis. Et tu veux
dormir où exactement ?
    — Si cela ne vous ennuie pas, j’aimerais loger
dans le couvent mauricien le plus proche, comme vous l’aviez d’ailleurs promis
au prieur de mon monastère. Depuis le début de notre voyage, vous avez déjà
manqué tant de fois à votre parole...
    J’aurais dû punir son insolence, mais je
préférais le voir ainsi que converti en un moine soumis de Ponç de Riba.
    — Bien. Tu peux partir. Mais je veux te
voir demain à l’aube dans la cour avec nos montures prêtes.
    Notre escorte toussota.
    — Frère...
    — Parlez.
    — Je regrette, mais il n’y a aucun couvent
mauricien dans la cité d’Avignon.
    Il s’arrêta devant une porte magnifiquement
ornée et souleva les poignées avec les deux mains.
    — Nous sommes arrivés, annonça-t-il.
    — Très bien. Écoute, Jonas, dis-je d’un ton
exaspéré à mon compagnon en me tournant vers lui. Tu vas suivre ce jeune écuyer
et dormir avec lui et ses compagnons. Demain matin, tu te laveras à fond à
l’eau froide, et tu feras disparaître ce vieil habit de moinillon. Tu peux
partir maintenant.
    Le grand commandeur de France, le prieur
d’Avignon et d’autres éminents personnages m’attendaient dans la salle. J’eus
honte de mon aspect débraillé mais ils ne semblèrent attacher aucune importance
à mes vêtements sales qui empestaient, ni à ma barbe de plusieurs jours. En
réalité, cette brève entrevue devait me préparer à ma rencontre avec le pape.
Seul le grand commandeur de France, Robert d’Arthus Bertrand, duc de Soyecourt,
devait m’accompagner. À ma grande surprise – le pape n’avait pas de bonnes
relations avec eux à cause de leur fameuse thèse sur la pauvreté de Notre-Seigneur
Jésus-Christ –, il m’annonça que nous irions au rendez-vous à pied déguisés en
franciscains et que le pape nous attendait dans ses appartements privés à
matines.
    — À matines ! hurlai-je, effrayé.
Monseigneur Robert, par charité, ordonnez, je vous prie, que l’on me prépare
immédiatement un bain. Je ne peux me présenter ainsi devant Sa Sainteté. Et
s’il nous reste encore un peu de temps, j’aimerais aussi me restaurer.
    — Tranquillisez-vous, frère, un bon repas
vous attend, ainsi qu’un barbier ! Et ne vous inquiétez pas, il nous reste
encore trois heures.
    Il faisait nuit noire quand deux poverellos franciscains, le commandeur et moi, affrontèrent les
questions des patrouilles qui faisaient leur ronde de nuit dans la citadelle.
Très sereins, nous répondions simplement que l’on nous avait appelés au secours
d’une vieille femme sans famille qui agonisait dans la sacristie de la
cathédrale de Notre-Dame-des-Doms. C’était une réponse absurde. Si
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