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Hommage à la Catalogne

Hommage à la Catalogne

Titel: Hommage à la Catalogne
Autoren: George Orwell
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Dans un numéro de février du Daily Worker , par exemple, on permit à un écrivain (Winifred Bates) de déclarer que le P.O.U.M. n’avait, dans son secteur au front, pas même la moitié des troupes qu’il prétendait avoir. Ce qui n’était pas vrai ; mais vraisemblablement cet écrivain croyait dire vrai. Elle-même et le Daily Worker ont donc de leur plein gré publié cette déclaration, sachant que ce faisant ils passaient à l’ennemi l’une des plus importantes informations qui peuvent être communiquées par le moyen d’un journal. Dans le New Republic , M. Ralph Bates déclara que les troupes du P.O.U.M. « jouaient au football avec les fascistes dans le no man’s land  », et cela en un temps où, en fait, les troupes du P.O.U.M. subissaient de lourdes pertes, où personnellement j’eus un grand nombre d’amis tués et blessés. Et puis il y eut ce dessin injurieux, que l’on fit circuler partout, d’abord à Madrid, puis plus tard à Barcelone, qui représentait le P.O.U.M. sous l’aspect d’un homme qui, ôtant un masque décoré du marteau et de la faucille, découvre un visage marqué de la croix gammée. Si le gouvernement n’avait pas été en réalité dominé par les communistes, il n’aurait jamais permis que l’on fît circuler une chose de ce genre en temps de guerre. C’était porter délibérément un coup au moral non seulement des milices du P.O.U.M., mais à celui de toutes les troupes qui venaient à s’en trouver voisines ; car cela est peu propre à donner du courage que d’apprendre que les hommes qui sont à côté de vous sur le front sont des traîtres. Je ne crois pas, il est vrai, que les injures qu’on leur prodigua à l’arrière démoralisèrent vraiment les milices du P.O.U.M. Mais ce qui est certain, c’est qu’elles étaient calculées pour les démoraliser et que l’on doit tenir ceux qui en furent les auteurs pour des gens qui ont fait passer l’animosité politique avant le souci de l’unité antifasciste.
    L’accusation portée contre le P.O.U.M. revenait à dire ceci : qu’un groupement de plusieurs vingtaines de milliers de personnes, appartenant presque toutes à la classe ouvrière, et en outre de nombreux auxiliaires et sympathisants étrangers, pour la plupart réfugiés de pays fascistes, et enfin des milliers de miliciens, étaient purement et simplement une vaste organisation d’espionnage à la solde des fascistes. Ça n’avait pas de sens commun et l’histoire passée du P.O.U.M. suffisait à rendre la chose incroyable. Les leaders du P.O.U.M. avaient tous derrière eux un passé révolutionnaire. Certains avaient pris part au soulèvement de 1934 et la plupart d’entre eux avaient été emprisonnés pour leurs activités socialistes sous le gouvernement Lerroux ou sous la monarchie. En 1936, le leader du P.O.U.M. à cette époque, Joaquín Maurín, avait été l’un des députés qui, aux Cortès, avertirent de la rébellion imminente de Franco. Peu de temps après le déclenchement de la guerre, il fut fait prisonnier par les fascistes alors qu’il tentait d’organiser la résistance à l’arrière de Franco. Quand la rébellion éclata, le P.O.U.M. joua un rôle marquant dans la résistance, et à Madrid, en particulier, un grand nombre de ses membres furent tués dans les combats de rues. Il fut l’un des premiers groupements à former des colonnes de miliciens en Catalogne et à Madrid. Comment serait-il possible d’expliquer tout cela comme les actes d’un parti à la solde des fascistes ! Un parti à la solde des fascistes eût tout simplement rejoint l’autre camp.
    Et il n’y eut aucun signe d’activités pro-fascistes durant la guerre. On pouvait soutenir – mais en définitive je ne suis pas de cet avis – qu’en réclamant avec insistance une politique plus révolutionnaire le P.O.U.M. divisait les forces du gouvernement et aidait les fascistes ; je pense que n’importe quel gouvernement de type réformiste serait fondé à considérer un parti tel que le P.O.U.M. comme une peste. Mais il s’agit là de tout autre chose que de trahison ! Il n’y a pas moyen d’expliquer pourquoi, si le P.O.U.M. était réellement un groupement fasciste, ses milices restèrent loyales. Voilà huit ou dix mille hommes tenant d’importants secteurs du front dans les conditions terribles de l’hiver 1936-1937. Beaucoup d’entre eux restèrent dans les tranchées quatre ou cinq mois d’affilée. On
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