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Hiéroglyphes

Titel: Hiéroglyphes
Autoren: William Dietrich
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ces habits rouges nuire à votre
réputation !
    —  Bien
sûr que non, mais nous savons tous qu’il s’agissait
là d’une loyale… »
    La
patte de Gros Ned s’abattit sur le pont, une paire de dés
échappant à sa poigne et rebondissant en travers des
planches comme autant d’insectes sauteurs.
    « Tu
nous rends notre argent et on le rejoue aux dés. Ou on
s’explique à midi, rien que toi et moi, sur le pont aux
canons ! »
    Son
défi était juste assez sérieux, assez ironique
pour poser un problème. Avec sa taille et son gabarit, il
n’avait pas l’habitude de perdre. J’essayai de
gagner du temps :
    « D’ici
là, on sera à Jaffa.
    —  Raison
de plus pour qu’on règle ça entre les canons. »
    Aucune
échappatoire possible. Je me relevai.
    « Tu
as besoin d’une leçon. Disons midi juste ! »
    L’auditoire
poussa un rugissement approbateur. Et la nouvelle de la rencontre
projetée courut de la proue à la poupe du Dangerous plus vite que celle d’un rendez-vous galant ne voyage d’un
bout à l’autre du Paris révolutionnaire. Les
marins imaginaient déjà la bagarre inégale au
cours de laquelle Gros Ned m’arracherait jusqu’au dernier
sou que je leur avais extorqué. Quand il m’aurait
suffisamment amoché, je le supplierais de me permettre de leur
rendre tous mes gains illicites. Afin d’en oublier la
perspective, je montai sur le pont pour regarder approcher Jaffa, à
l’aide de ma longue-vue de poche.
    C’était
un petit télescope très efficace. Le premier port de
Palestine, des mois avant sa prise par Napoléon, se détachait
au centre du paysage plat et brumeux de la rive. Forts, tours et
minarets s’élevaient au sommet d’une colline aux
flancs occupés, dans toutes les directions, par de grandes
bâtisses coiffées de dômes ou de terrasses. Un mur
d’enceinte séparait la ville du port, vers la mer.
Orangeraies et palmeraies s’étendaient alentour avant de
céder la place à des champs dorés ou à
des pâturages de teinte brune. Pointant le nez à travers
de nombreuses embrasures éparses, des canons noirs étaient
dirigés vers le large. Et, bien que nous fussions à
deux ou trois nœuds en mer, on pouvait entendre la voix des
muezzins appelant les fidèles à la prière.
    Il
m’était arrivé, à Paris, de manger des
oranges de Jaffa, réputées pour l’épaisseur
d’une écorce qui les rend transportables jusqu’en
Europe. Tant d’arbres fruitiers partageaient le terrain que la
cité prospère avait l’apparence d’un
château implanté en pleine forêt. Des bannières
ottomanes claquaient dans la chaude brise d’automne, des tapis
séchaient sur les rambardes et l’odeur des feux de
charbon de bois flottait sur la Méditerranée. Cernés
d’écume blanche, des récifs escarpés
encombraient l’approche de la rive, et le port regorgeait de
barques et de felouques au mouillage. Comme les autres navires de
fort tonnage, nous étions ancrés à distance. Une
flottille d’embarcations arabes se dirigea vers nous afin de
traiter quelque affaire ou d’offrir quelque service, et je me
préparai à regagner la terre.
    Après
avoir réglé, comme de juste, cette autre malheureuse
affaire.
    Les
Anglais ne sont pas réputés pour la qualité de
leur cuisine, mais j’acceptai le sac de biscuits durs que me
tendait Sir Sidney.
    « J’ai
appris que votre chance insolente vous a flanqué le gros Ned
sur le dos, me dit-il dans un murmure. Un vrai taureau, ce Ned, avec
la tête comme un bélier, et tout le reste en proportion.
Vous avez un plan pour éviter le pire ?
    —  Je
vais essayer ses dés, Sir Sidney, mais j’ai bien peur
qu’ils ne soient pipés au point que, à peine plus
alourdis, ils couleraient cette frégate. »
    Smith
éclata de rire.
    « C’est
un tricheur invétéré. Il a les muscles qu’il
faut pour écraser les plaintes, et pas l’habitude de
perdre. Beaucoup sont heureux que vous l’ayez possédé.
Dommage que vous risquiez de le payer très cher.
    —  Vous
pourriez interdire la rencontre.
    —  Les
hommes sont nerveux comme autant de coqs en rut et ne mettront pas
pied à terre avant Acre. Une bonne bagarre les distraira. Vous
avez l’air plutôt rapide, mon vieux. Faites-le danser ! »
    Conseil
gratuit. Je partis en quête de Gros Ned et le trouvai fort
occupé à graisser son imposante musculature à
l’aide d’une tranche de lard, pour être sûr
d’échapper à ma prise. Il luisait comme une dinde
de
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