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Hiéroglyphes

Titel: Hiéroglyphes
Autoren: William Dietrich
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1
    F ace
à mille canons de mousquet qui visent sa poitrine, quel homme
ne se demanderait où et quand il s’est fourvoyé ?
Je me posais donc la question, sous la menace de ces gueules plus
largement ouvertes, à mes yeux, que celle d’un molosse
en liberté dans une impasse du Caire.
    Quoique
modeste de naissance, j’ai aussi mon amour-propre et, de mon
humble avis, ce n’était pas moi qui avais fait fausse
route, mais bel et bien toute l’armée française.
Avec quelle joie l’aurais-je expliqué à mon
ancien ami Napoléon Bonaparte s’il ne s’était
retiré quelque part dans les dunes, hors de portée de
ma voix, lointain et sûr de lui dans l’éclat de
ses boutons et de ses médailles, sous le soleil de la
Méditerranée.
    À
notre première rencontre, lors du débarquement de ses
troupes sur la terre égyptienne, en 1798, Bonaparte m’avait
dit que l’histoire immortaliserait les valeureux soldats noyés
au cours de cette opération militaire. Neuf mois plus tard, en
vue du port palestinien de Jaffa, c’était moi qui allais
écrire l’histoire ! Tous ces grenadiers français
s’apprêtaient à me cribler de balles, avec les
centaines d’infortunés prisonniers musulmans auxquels on
m’avait associé, et je me trouvais une fois de plus,
moi, Ethan Gage, dans la nécessité impérieuse de
tenter quelque chose, d’urgence, pour échapper à
mon destin. Il s’agissait là d’une exécution
en masse, et je ne pouvais espérer aucun secours de ce général
dont le temps et les circonstances m’avaient irrémédiablement
éloigné.
    Quels
chemins divergents nous avions suivis, au cours de ces neuf derniers
mois !
    Je
me glissai tout doucement derrière le plus grand, le plus gros
des misérables captifs ottomans repéré d’un
coup d’œil. Une force de la nature, un géant noir
du Haut-Nil dont l’épaisseur et la carrure me
paraissaient suffisantes pour stopper une balle de mousquet. Voire
plusieurs. Nous avions tous été poussés, comme
des moutons, sur cette jolie plage sablonneuse, pitoyable cohorte aux
regards terrorisés, dans des visages de toute couleur. Chaos
des uniformes turcs rouges, crème, émeraude et saphir
convertis en loques de mêmes teintes par le sang et la fumée
du massacre en cours. Marocains agiles, Soudanais athlétiques,
Albanais à la peau blanche, cavaliers circassiens, artilleurs
grecs, sergents turcs, résidus d’un vaste empire, tous
humiliés par les Français. Et moi l’unique
Américain. Non seulement je n’entendais aucun de leurs
langages, mais j’avais la sensation qu’ils ne se
comprenaient pas davantage entre eux. Un assortiment impossible de
races très typées, sans un seul officier survivant,
dont le grouillement sur place offrait un contraste saisissant avec
la belle ordonnance des exécuteurs alignés comme à
la parade.
    Le
défi des Ottomans avait exacerbé la rage de Napoléon
 – jamais ils n’auraient dû brandir les têtes
des émissaires embrochées sur des lances  –
et tous ces prisonniers affamés auraient constitué un
poids lourd dont il ne pouvait guère s’encombrer !
    D’où
cette marche forcée à travers les orangeraies et cette
concentration au sud du port fraîchement investi. De là,
nous pouvions voir la ville incendiée au sommet de la colline,
en marge d’une mer étincelante. Et ici ou là
pendaient de merveilleux fruits d’or toujours accrochés
aux arbres épargnés par les ultimes canonnades.
    Bien
campé sur sa selle comme un jeune Alexandre, mon
ex-bienfaiteur et récent ennemi se disposait, peut-être
par calcul, peut-être par lassitude pure et simple, à
faire preuve d’un manque d’humanité dont ses
propres maréchaux parleraient à voix basse, lors des
futures campagnes. Mais il n’avait même pas la politesse
d’observer le spectacle. Il lisait un de ses romans à
l’eau de rose dont il déchirait chaque page après
l’avoir lue, pour la passer à ses officiers et leur
permettre de se distraire, eux aussi. Moi, j’étais pieds
nus, couvert de sang, le mien et celui des autres blessés, à
moins de soixante-dix kilomètres en ligne droite du lieu sacré
où Jésus-Christ était mort pour sauver les
hommes. Ces derniers jours de persécution, de souffrance et de
guerre n’avaient pu me persuader que le divin Sauveur eût
réussi dans sa tâche. Je n’apercevais nulle part
le moindre signe d’amélioration de la créature
humaine.
    « Cha-a-a-argez…
armes ! »
    Mille
chiens de
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