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Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Titel: Hasdrubal, les bûchers de Mégara
Autoren: Patrick Girard
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corps la trace des
blessures reçues au combat.
    Un
centurion m’ordonna de me placer très en avant de mes pairs. J’étais la
principale attraction de cette cérémonie. Pour les Fils de la Louve, mon nom,
durant des années, avait eu la même signification que celui d’Hamilcar ou celui
d’Hannibal : je symbolisais leur plus farouche ennemi, celui qui avait
fait périr tant des leurs. Dans la foule, se trouvaient sans doute des parents
des prisonniers que j’avais fait torturer et exécuter sur les murailles de
notre ville. En me voyant, marchant dans les rues menant jusqu’au temple de
Jupiter Capitolin, ils sauraient que le sacrifice de leurs enfants n’avait pas
été vain. Je me retournai pour observer mes compagnons d’infortune. La plupart
firent mine de m’ignorer. Ils en étaient toujours à me reprocher de m’être
rendu à Scipion Aemilianus. J’aurais pu leur faire remarquer qu’eux-mêmes
n’avaient pas trouvé la mort au combat mais avaient remis leurs glaives et
leurs insignes de commandement à leurs vainqueurs. C’eût été mesquin de ma part
et je m’en abstins. Seul Magon m’adressa un signe de la main pour m’encourager
à supporter l’humiliation à venir.
    En arrière
de notre groupe, les deux consuls, héros de cette journée, se tenaient debout
dans deux chars d’apparat tirés par quatre chevaux blancs. A leurs côtés, un
esclave, portant une couronne d’olivier, leur murmurerait à l’oreille, durant
tout le trajet, une phrase leur rappelant la vanité des choses humaines et des
honneurs. Derrière eux, impeccablement alignées, leurs légions, avec leurs
aigles et leurs enseignes, autorisées exceptionnellement à entrer en ce jour
dans Rome. Beaucoup de ces vétérans n’avaient pas revu leurs familles depuis
des années et devraient encore servir longtemps avant d’être renvoyés dans
leurs foyers. Plus que les consuls, ils étaient les véritables héros de cette
grande fête populaire.
    Ce
matin-là, Rome regorgeait de monde. Sa population avait presque doublé. De tous
les coins du Latium et même de Campanie, des milliers d’hommes, de femmes et
d’enfants avaient envahi la ville et s’étaient postés tout le long de
l’itinéraire que devait emprunter le cortège, au grand mécontentement des
habitants de la cité, obligés de jouer des coudes pour se frayer un passage
dans la cohue des spectateurs. Les buccins retentirent et le défilé commença.
La foule, joyeuse, poussait des cris d’admiration en découvrant le butin pris à
Carthage et à Corinthe. Jamais il ne lui avait été donné l’occasion de
contempler autant de splendeurs et le cœur des Romains s’emplissait de fierté
en les regardant.
    Ces
acclamations cessèrent lorsque je parus à la tête des prisonniers, pour céder
la place à un silence pesant. Pas un cri hostile ne fusait de la foule mais ses
regards étaient chargés d’une haine froide, infiniment plus cruelle que le
mépris. A ses yeux, nous n’existions plus, nous étions déjà morts, rayés du
pays des vivants comme l’avaient été nos malheureuses cités. Je m’étais attendu
à ce que des excités nous jettent au visage des pierres ou des monceaux
d’immondices. Rien de tel ne se produisit et j’éprouvai un véritable
soulagement quand, arrivés en vue du temple de Jupiter Capitolin, l’on nous
rassembla pour nous reconduire dans notre prison.
    Les
consuls et leurs armées s’avancèrent, eux, au milieu de formidables ovations.
Vainqueur de Corinthe, Mummius avait voulu se placer à la hauteur de Scipion
Aemilianus mais les cris de protestation de ses concitoyens lui firent
comprendre qu’il devait laisser la prééminence à son jeune collègue. La plèbe
n’avait pas apprécié la décision du Sénat de traiter les deux généraux sur un
pied d’égalité. Le premier n’avait fait que mettre à la raison les derniers
Grecs rebelles à l’autorité de Rome. Le second, lui, avait délivré sa cité de
son plus farouche ennemi et lui offrait le contrôle de la quasi-totalité de la
grande mer. Tous n’avaient d’yeux que pour lui et c’est au petit-fils adoptif
de Scipion l’Africain que revint l’honneur d’offrir le sacrifice d’usage à
Jupiter Capitolin. Toute la nuit, la ville célébra joyeusement l’événement, les
édiles ayant offert aux citoyens des banquets et mis en perce des fûts de vin à
chaque carrefour.
    Alors que
la cité de Romulus se réjouissait, nous attendions tous,
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