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Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Titel: Hasdrubal, les bûchers de Mégara
Autoren: Patrick Girard
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des signes
m’ont montré qu’une telle fin n’était pas à exclure. Les richesses que ces
maudits pillards ont volées à nos cités ont agrandi le fossé existant entre les
patriciens et la plèbe et celle-ci ne tardera pas à se révolter contre
l’arrogance des Pères conscrits et des familles aristocratiques qui se
partagent le pouvoir et ne se conduisent pas mieux que les nôtres. De plus,
l’afflux de tant d’or et d’argent a corrompu les mœurs austères et frugales
dont ce vieux grincheux de Marcus Porcius Caton s’était fait le défenseur
vigilant. Autrefois cloîtrées chez elles, les matrones romaines ne songent plus
qu’à une chose : paraître en public pour exhiber leurs riches tenues et
leurs bijoux cependant que leurs époux consacrent des sommes folles à embellir
leurs maisons. Quant aux plus pauvres, ils ont cessé d’exploiter leurs fermes
pour s’installer en ville et y vivre des largesses des patriciens et des
distributions de nourriture que le Sénat organise à intervalles réguliers.
Mieux, ce peuple, dont la piété était jadis la raison de vivre, a cessé
d’adorer ses dieux. Il les a délaissés au profit de ceux venus de nos
lointaines contrées, qu’ils ont eu le tort de faire entrer dans leur panthéon.
    Comme me
l’a dit un Grec ami de Polybe mais infiniment plus caustique que celui-ci, il
se pourrait bien que les vaincus deviennent les professeurs des vainqueurs et
leur imposent leurs croyances et leurs modes de vie, et finissent par corrompre
ces paysans mal dégrossis. Je suis intimement convaincu que la volonté hégémonique
de Rome finira par causer sa perte et c’est sans doute la raison pour laquelle
les paroles de Scipion Aermilianus me mirent du baume au cœur. Puisque ce
dernier est réputé posséder le don de la divination, hérité de son grand-père
adoptif, le savoir dévoré par l’inquiétude avait de quoi me réjouir.
     
    ***
     
    Dans mon
désespoir, je me raccrochais à la moindre planche de salut et mon vainqueur
aurait été bien surpris d’apprendre les pensées qui m’agitaient et que la
réalité semblait cruellement démentir. Car la chute de Carthage ouvrait une ère
nouvelle dans l’histoire de Rome. L’événement était si extraordinaire qu’il
parut, à prime abord, impossible. Au début, quand un navire porteur de la bonne
nouvelle accosta à Ostie, son capitaine eut beaucoup de mal à convaincre ses
compatriotes de la véracité de ses dires. Bientôt, ils furent rassurés par
l’arrivée des trirèmes et des quinquérèmes chargés d’un lourd butin et de
milliers de captifs vendus à l’encan sur les marchés aux esclaves.
    Les
fidèles envahirent alors le temple de Jupiter Capitolin pour rendre grâces à ce
dieu des bienfaits dont il comblait leur cité. Et leur joie redoubla lorsqu’ils
apprirent que le consul Mummius, dans le même temps, s’était emparé de la ville
grecque de Corinthe, dernière à avoir brandi l’étendard de la révolte contre
les Fils de la Louve. Cette malheureuse cité connut le sort de la mienne :
elle fut rasée et ses habitants massacrés sans pitié par les légionnaires. De
retour d’Afrique, Scipion Aemilianus reçut un accueil chaleureux de la part de
ses concitoyens. Mais le Sénat, où il comptait de nombreux ennemis, redoutait
sa popularité et crut bon de l’humilier en décidant qu’il devrait partager les
honneurs du triomphe avec son collègue Mummius. C’était les mettre sur un pied
d’égalité alors que le premier avait infiniment mieux mérité de sa patrie que
le second. Mon vainqueur, après avoir vainement protesté, dut s’incliner. Il
était toutefois bien décidé à faire en sorte que son triomphe éclipse, par sa
magnificence, celui de son rival. Aussi prit-il grand soin de choisir parmi les
prisonniers tous ceux dont les grades ou la prestance contribueraient à mieux
faire ressortir sa gloire. Ses centurions reçurent l’ordre de séparer de la
masse des captifs les généraux et les officiers, carthaginois ou transfuges
numides, tombés aux mains de l’ennemi ainsi que les soldats les plus robustes
de notre défunte armée. Séparés de leurs familles, auxquelles ils firent des
adieux déchirants, ils furent conduits, sous bonne garde, jusqu’aux Castra
Cornélia où je les retrouvai. Mes tentatives d’entrer en contact avec eux se
soldèrent par un échec. Tous me battaient froid, à l’exception de mon fidèle
aide de camp, Magon, le seul à ne
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