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Hamilcar, Le lion des sables

Hamilcar, Le lion des sables

Titel: Hamilcar, Le lion des sables
Autoren: Patrick Girard
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de
vin de Sicile qu’il avait bues ne lui avaient fait aucun effet. Pourtant, ce
vin lourd et capiteux, bien meilleur que celui de Carthage, était réputé pour
ses qualités soporifiques. Il le savait d’expérience pour y avoir eu souvent
recours au terme d’une longue et harassante journée lorsque l’excès de fatigue
empêche l’homme de s’assoupir.
     
    ***
     
    Magon, le
principal capitaine du commandant en chef des troupes carthaginoises en Ibérie,
venait de pénétrer sous la tente. Instinctivement, comme à chacune de leurs
rencontres en tête à tête, Hamilcar avait vérifié que son glaive fabriqué dans
les arsenaux de Carthage était à sa portée. Un lourd secret unissait
douloureusement les deux hommes depuis des années et leur fraternité d’armes
n’avait pas suffi à dissiper le malentendu entre eux. En surprenant au passage
le regard d’Hamilcar, Magon n’avait pu s’empêcher de sourire. Le vieux lion
avait toujours l’esprit aussi vif ! Mieux valait en venir à l’essentiel.
    — Hamilcar,
pardon de troubler ta quiétude mais le sénateur Carthalon vient d’arriver dans
notre camp. Il souhaite te rencontrer le plus rapidement possible.
    — Carthalon,
tu es sûr de ce que tu dis ?
    — Oui.
Je l’ai vu en personne, suant et ahanant, s’épuisant à traîner sa bedaine
jusqu’à la tente que j’ai fait préparer pour lui.
    — Te
connaissant, je suppose que celle-ci est assez éloignée de la mienne…
    — J’ai
simplement voulu prévenir tes désirs en l’installant à plusieurs coudées de
toi. Il devra marcher plusieurs centaines de pas pour parvenir jusqu’à toi.
Lorsqu’il arrivera, il lui faudra reprendre son souffle et ses esprits. Cela te
permettra de le jauger.
    — Tu
as agi sagement. Fais-le venir maintenant. Il ne doit pas avoir l’occasion de
se reposer.
    Pendant
que Magon exécutait son ordre, Hamilcar ruminait de sombres pensées. Aucun
officier supérieur carthaginois ne se réjouissait de la visite, sur le théâtre
des opérations, d’un ou de plusieurs sénateurs. Furieux d’avoir dû jadis
concéder au peuple le privilège de nommer les chefs militaires, ils se
vengeaient en exerçant sur eux la plus mesquine des surveillances. Lors de
leurs tournées d’inspection, gras et replets, ils examinaient la pitance des
hommes de troupe et des mercenaires comme s’ils soupçonnaient qu’on leur
servait les mets les plus exquis et les plus raffinés. Quant à leurs agents
comptables, dépendant de l’Addir arkat, le chef des estimations, ils étudiaient
soigneusement les dépenses de l’armée. À leurs yeux, cette dernière n’avait
d’autre préoccupation que de dilapider la fortune de la cité. Mais lorsqu’il
s’agissait de régler les arriérés de soldes, ils poussaient de hauts cris. Ils
gémissaient, se tordaient les mains et juraient par Baal Hammon que leurs
caisses étaient vides. Ils n’avaient que le mot non à la bouche.
    La venue
de Carthalon n’était pas de bon augure. Hamilcar le connaissait depuis
l’enfance puisque leurs familles respectives possédaient des propriétés
limitrophes à quelque distance de la ville. Jeunes, ils avaient joué ensemble,
se cachant derrière des buissons d’épineux, pendant que les esclaves affectés à
leur garde les cherchaient en vain, ou se baignant dans les canaux d’irrigation
entretenus par une main-d’œuvre docile qui courbait le dos lorsque claquait le
fouet du contremaître.
    L’âge
adulte les avait séparés. Contre la volonté de son père, Hamilcar avait choisi
le métier des armes, le plus noble à ses yeux. Carthalon lui, déjà affublé d’un
léger embonpoint, avait jugé préférable de demeurer à Carthage et d’exploiter
ses domaines qui lui rapportaient plusieurs dizaines de talents par an. Il possédait
aussi plusieurs trirèmes [2] et quinquérèmes [3] qu’on voyait rarement dans le port marchand. Elles parcouraient sans
cesse la grande mer et allaient chercher les richesses de la Sicile, de la
Sardaigne, d’Athènes et d’Alexandrie. Certaines d’entre elles poussaient même
jusqu’à Tyr, l’antique métropole punique d’où étaient venus les fondateurs de
la cité, et y apportaient le tribut annuel dû au temple du dieu Melqart [4] .
    Au Sénat,
Carthalon n’appartenait à aucun parti. Il était bien trop prudent pour cela. Il
se contentait d’observer et de flairer d’où venait le vent. Dès lors qu’une
majorité paraissait se
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