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Grand-père

Grand-père

Titel: Grand-père
Autoren: Marina Picasso
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longtemps vécu d’espoir
et de confiance le plus souvent bafoués.
     
    Florian est là, chétif et minuscule. Le Dr Hôa l’a fait
venir de l’orphelinat de Gô Vap pour s’occuper de lui avant de me le confier. Ses
membres sont décharnés. Comme tous les enfants qui ont souffert de malnutrition,
son ventre est ballonné. Il a trois mois à peine mais son regard est vif à
travers ses paupières bridées.
    — Les yeux de Picasso, me glisse M me  Hôa.
    Je souris. Les yeux de Picasso : un héritage qui me
comble de joie.
    Il me reste quelques jours avant de retourner en France et
de ramener Florian dans le creux de mes bras. En attendant, M me  Hôa
me propose d’aller visiter plusieurs orphelinats et hôpitaux dont elle a le
contrôle. Elle m’apprend que, dans la seule ville d’Hô Chi Minh, on estime à
vingt et un mille le nombre d’enfants abandonnés et livrés à eux-mêmes dans les
rues de la ville. Seuls mille cinq cents d’entre eux ont pu être recensés.
    Orphelinats, hôpitaux, hospices pitoyables où s’entassent
enfants, vieillards, malades. La misère et, faute de moyens, une hygiène
lamentable. Mon cœur saigne. Je dois faire quelque chose et j’ai si peu de
temps.
    Je prends contact avec le Comité populaire, les dirigeants
du Parti communiste, le Service social. Je remue ciel et terre. Ce pays m’a
donné un enfant, je me dois de l’aider.
    Le nom que je porte plaide en ma faveur. En qualité de
petite-fille du camarade Picasso, mes interlocuteurs m’écoutent et m’encouragent.
Ils participeront à mon action humanitaire.
    « Pour cuire un bol de riz, il faut de la chaleur et
des grains qui s’épousent. »
     
    Le responsable du Service social chargé des problèmes de
santé dans le sud du pays me propose de me faire visiter un terrain à Thu Duc, dans
la banlieue nord d’Hô Chi Minh-Ville. Il sait que je veux bâtir un village qui
accueillera des enfants défavorisés. Je ne sais pas encore comment je vais m’y
prendre mais je veux que ma fortune serve à quelque chose. Je ne suis pas mère
Teresa mais la souffrance des orphelins que j’ai découverts dans les
établissements que j’ai pu visiter avec M me  Hôa m’est devenue
intolérable. Je dois m’investir tout entière et tenter de faire le maximum pour
eux.
    Thu Duc : un ancien terrain militaire de cinq mille
mètres carrés couvert de marécages, des trous d’eau creusés par la mousson, une
végétation subtropicale, anarchique, des palétuviers, des mangroves, des
taillis de bambous, des palmiers laissés à l’abandon. En lisière, une bâtisse
délabrée et un orphelinat aux murs écaillés, rongés par le salpêtre.
    À ma demande, le dirigeant du Service social me le fait
visiter. Devant la porte, des orphelins jouent au ballon comme tous les enfants
du monde. À l’intérieur, tout seul dans une grande pièce, un petit garçon en
pyjama rayé me regarde. Son crâne est dégarni, son visage émacié et ses yeux d’une
tristesse poignante. Il sait qu’il va mourir du cancer qui le ronge. Il a huit ans
à peine.
    C’est décidé, avec l’accord des autorités vietnamiennes, Thu
Duc deviendra le « Village de la Jeunesse ».
    Si ce village existe aujourd’hui, c’est à Florian, au petit
garçon en pyjama rayé et surtout à mon frère Pablito que les trois cent cinquante
enfants qui y vivent dignement le doivent.
    Les souvenirs aussi bien que les regards opèrent des
miracles.
     
    Retour en France avec Florian lové sur ma poitrine. Entre
les doigts serrés de sa main droite, l’index de Gaël, dans ceux de sa main
gauche, le petit doigt de Flore.
    À travers les hublots de l’avion, le ciel est moucheté de
nuages.
     
    Cannes et La Californie aux portes grandes ouvertes
pour accueillir Florian. La Californie et ses rires qui fusent dans
chaque pièce. La Californie d’une enfance qui aurait dû être la mienne
et celle de Pablito : une enfance d’attentions.
    — À quelle heure se réveille bébé ?
    — Quand baignes-tu bébé ?
    — As-tu pensé au biberon de bébé ?
    Ces « bébés » que Gaël et Flore déversent en
cascade au-dessus du berceau de Florian me stimulent et me donnent des forces. D’autres
bébés m’attendent au Viêt-nam. Il faut que je fasse vite.
    Entre deux visites à l’hôpital Lenval où je me rends pour
faire examiner Florian, je reçois l’architecte qui a réalisé pour moi les
aménagements de La Californie . Je lui remets les plans que
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