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Gauvain

Gauvain

Titel: Gauvain
Autoren: Jean Markale
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chrétien.
    Or, tout cela, c’est Gauvain qui nous le dit, par le truchement de Chrétien de Troyes dans son Perceval . À un tournant de ses aventures, Gauvain se livre en effet à un hommage étonnant et inattendu de la reine Guenièvre : « Depuis la première femme qui fut formée de la côte d’Adam, il n’y eut jamais dame si renommée. Et elle le mérite bien, car de même que le sage maître endoctrine les jeunes enfants, ma dame la reine enseigne et instruit tous ceux qui vivent . D’elle descend tout le bien du monde, elle en est source et origine  » (trad. Lucien Foulet). Voilà qui est net : Guenièvre, dont Gauvain est peut-être amoureux secrètement, bien qu’elle soit la femme de son oncle, représente pour le héros la Féminité dans sa totalité, dans sa perfection. C’est un portrait de la Déesse des Commencements que trace ici Gauvain, et Chrétien de Troyes, juif converti, adepte de la Kabbale et néanmoins féru de mythologie celtique, sait très bien ce qu’il fait en prêtant ces paroles à un personnage qui n’est pourtant pas le héros de son récit. À un moment de l’action, il fallait que l’on sache l’importance de la femme-soleil dans l’univers arthurien.
    Ainsi s’explique le comportement de Gauvain tout au long de ses multiples aventures. À la grande différence de Lancelot qui, tout au long de son errance, a sans cesse devant les yeux l’image de Guenièvre, « sa » déesse, l’unique et l’absolue, et qui ne succombe jamais aux charmes décevants des « pucelles » qui le guettent à chaque carrefour, Gauvain, qui n’aime aucune femme particulièrement, recherche la Féminité absolue à travers toutes les femmes qu’il rencontre. D’où sa réputation de volage et de sensuel. D’où son assimilation à don Juan. Mais il y a un monde entre ces deux personnages mythiques : don Juan est un assoiffé de puissance ; pour lui, détail surtout visible dans la pièce de Molière, la féminité et, à plus forte raison, la sensualité n’ont pas d’intérêt ; seule compte l’acceptation de celle à qui il déclare un amour hypocrite. À partir du moment où la femme sollicitée a dit « oui », don Juan a gagné la partie : il est le maître , et, comme il est également libre , il peut disposer ou non de son droit de « maîtrise ». C’est là une attitude proprement « machiste » et l’affirmation d’une volonté de puissance illimitée.
    Gauvain est à l’opposé : s’il est amoureux de toutes les femmes qu’il rencontre, il est sincère . On est donc en droit de se demander s’il recherche vraiment la Femme ou s’il poursuit désespérément sa quête de la Féminité. Car, si l’on suit le développement de ses aventures – qui sont souvent des mésaventures quand il se fait rabrouer ! –, il ne trouve de satisfaction avec aucune femme. C’est comme s’il y avait une parcellisation de la Femme, divinité suprême et solaire bien entendu, à travers des individus de sexe féminin dispersés par le plus grand des hasards sur le chemin d’un chevalier. Ce que veut Gauvain, et sans nul doute avec passion, c’est reconstituer la féminité dans son intégralité à partir des éléments épars qui se présentent à lui. Mais peut-être est-ce une entreprise vouée à l’échec…
    Gauvain affronte en effet des dangers multiples. Certes, il est toujours animé de bonnes intentions. Qu’une jeune fille ou une femme en détresse s’adresse à lui, il ne refuse jamais son aide : ce serait faillir à sa réputation, c’est-à-dire à son honneur ; ce serait faillir à sa mission de « faucon » que de refuser. Mais, ce faisant, il s’engage dans un inextricable labyrinthe de contraintes qui sont, sur un plan traditionnel, autant de gessa irlandais, d’interdits magiques qu’il est bien difficile de ne pas transgresser. Et là, il ne peut rien : il est prisonnier d’un faisceau de fatalités qui l’obligent à prendre conscience de ses limites. Gauvain, c’est une synthèse éminemment réussie de Sisyphe et de Tantale : il est le héros qui recommence perpétuellement ce qu’il a accompli et qui, lorsqu’il croit avoir réussi définitivement, s’aperçoit que l’eau (ou plutôt le bon vin !) qu’il voulait boire n’est qu’un leurre qui le fuit chaque fois qu’il veut s’en approcher. C’est en ce sens que Gauvain, neveu du puissant roi Arthur, est émouvant : il ne perd jamais son humanité, et
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