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Gauvain

Gauvain

Titel: Gauvain
Autoren: Jean Markale
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s’il cherche à dépasser celle-ci, c’est pour mieux accomplir son devoir d’être humain.
    De plus, il est touchant dans ses échecs. Car il échoue souvent. Il est en butte aux moqueries, aux sarcasmes, aux intrigues les plus machiavéliques tramées derrière son dos dans un univers à la limite du visible et de l’invisible et qu’il ne connaît pas parce qu’il n’a pas, comme Merlin, le don de double vue. C’est pourquoi, s’il finit par triompher des démons et des enchanteurs maléfiques, il ne parvient pas à accéder aux mystères suprêmes du Graal qu’il côtoie pourtant sans cesse mais ne peut comprendre ni même appréhender. Le faucon est peut-être le symbole d’une vision intérieure potentielle, mais il faut bien reconnaître que Gauvain se complaît parfois dans des situations scabreuses et que loin de le mécontenter, le capuchon qu’il porte sur la tête lui épargne une prise de conscience trop brutale des réalités extérieures. Et l’énergie qu’il reçoit du soleil tout au long de la journée, il la dispense dans le plus grand désordre. Sans être un naïf, comme le sera plus tard Perceval, il n’a pas la trempe d’un Lancelot hanté par un seul visage. Les visages qu’aperçoit Gauvain l’égarent sur la longue route qu’il a entrepris de parcourir.
    Pourtant, c’est alors qu’intervient Morgane, omniprésente, subtile et insaisissable comme un fantôme. Elle est elle-même l’image parfaite de la Féminité ; mais Gauvain, dispersé par sa recherche fragmentaire de l’être féminin, ne la reconnaît pas en tant que telle. Sans doute pense-t-il que Morgane est sa tante, la sœur de sa mère, mais, généralement, ce genre de considérations n’arrête guère les héros de l’épopée arthurienne : il y a longtemps qu’ils ont relégué leurs scrupules au vestiaire, même s’ils prétendent agir au nom de la Morale et de la Religion. En tout cas, Gauvain, lui, ne franchit pas le pas. Alors Morgane, toujours toute à son plan secret qui est de déstabiliser le royaume d’Arthur pour s’en emparer elle-même, tente de circonvenir Gauvain par les ruses dont elle est coutumière, tantôt postant sur son chemin des auxiliaires féminines toutes dévouées à sa cause, ou bien se présentant à lui sous des traits et des noms différents. Possédant des pouvoirs magiques, elle connaît l’art des métamorphoses et en joue avec une habileté qu’on peut qualifier de diabolique mais qui n’amoindrit nullement sa grande figure de déesse maternelle – sa véritable incarnation. Il est évident que la mystérieuse reine de l’Île sans Nom, qui retient prisonnier Gauvain à la fois par ses charmes pervers et par de prétendues « coutumes » magiques, n’est autre que Morgane. Elle a trouvé le moyen d’écarter, sinon définitivement du moins temporairement, le preux Gauvain de la cour de son oncle. Il est également certain que l’étrange « mauvaise Pucelle » de Chrétien de Troyes, que Wolfram von Eschenbach appelle Orgiluse , c’est-à-dire l’Orgueilleuse, et qui fait accomplir à Gauvain tant d’exploits inutiles, est encore une fois Morgane sous un autre visage. Et, chaque fois, Gauvain se laisse prendre : il tombe amoureux de la femme-fée et se trouve engagé dans une série d’aventures que, plus lucide, il aurait pu éviter. Mais Gauvain est un éternel amoureux. Déçu par certaines « pucelles » qui se refusent à lui, il se précipite sur celles qui, à condition qu’il subisse certaines épreuves, lui promettent tout.
    C’est d’ailleurs un paradoxe que Gauvain sorte toujours grandi de ces aventures, même si elles ont été pénibles, même si son honneur a failli s’y écorner. L’épreuve qu’il subit lorsqu’il a « perdu son nom », c’est-à-dire lorsque certaines personnes, notamment des femmes, le croient mort, est une incitation à se remettre en cause et à prouver qu’il est réellement Gauvain, fils du roi Loth d’Orcanie. Ainsi sera-t-il amené à délivrer une « pucelle » bien mystérieuse qui, emprisonnée dans un cimetière, subit les caprices sexuels d’un diable qui vient la trouver chaque nuit. L’épisode, connu sous le titre de l’Âtre Périlleux , est un conte populaire sur les vampires, mais Gauvain s’y trouve mêlé le plus naturellement du monde.
    Ce qui est fascinant dans le personnage de Gauvain, c’est ce mélange harmonieux de puissance et de faiblesse, magnifiquement mis en
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