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Gauvain

Gauvain

Titel: Gauvain
Autoren: Jean Markale
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réjouit grandement d’un choix qui le flattait d’autant plus qu’il trouvait la jeune fille fort belle. Aussi s’empressa-t-il de la conduire à son logement et de l’y confier à deux suivantes également très belles. Puis, comme il lui demandait son nom, elle répliqua : « Je te le dirai si tu t’engages à ne le révéler à personne. » Gauvain le lui promit. « Je me nomme Nolwenn, dit-elle alors. Quant à te confier quel est mon pays et de qui je suis la fille, il n’en est pas question. » Sur ce, Gauvain prit congé, et la jeune Nolwenn passa le reste de la soirée en compagnie des deux suivantes qui s’ingénièrent à lui être agréables.
    Le lendemain, tout le monde se leva de bon matin. Le roi et la reine allèrent entendre la messe et, quand l’heure du repas fut venue, la belle inconnue se vit, comme promis, livrer la coupe royale, à charge pour elle de servir les hôtes de la grande table. Alors commença le festin, remarquable par la profusion, l’abondance et le raffinement des plats. Car le roi Arthur, en homme courtois, tenait à ce que chacun de ses invités fût content. Ils avaient à peine commencé à manger – on n’en était encore qu’au premier service – quand ils virent un cavalier franchir la porte à vive allure. De très grande taille, il était armé de pied en cap, n’ayant abandonné que sa lance qu’il avait appuyée dehors contre un mur.
    Apparemment plein d’arrogance, le nouveau venu ne daigna ralentir son allure qu’il ne fût parvenu devant le roi, et il s’arrêta là si brutalement que sa bride heurta la table. Personne n’avait osé s’interposer. L’inconnu, comprenant que son intrusion pétrifiait la compagnie, considéra longuement les assistants sans prononcer une parole. Enfin, il se tourna vers la jeune fille, la saisit par les épaules et l’installa devant lui sur l’encolure de son cheval. « Roi ! s’écria-t-il, je ne songe pas à te le cacher, cette jeune fille est mon amie ! Je l’ai suivie dans plusieurs cours depuis que je me suis pris à l’aimer. Mais jamais je n’ai trouvé une seule cour où j’eusse osé m’emparer d’elle. Or je sens qu’ici, tout est permis. Ta cour me semble bien vulnérable et bien pauvre en chevaliers dignes de ce nom. Je sais que je n’ai rien à redouter de ceux qui se trouvent dans cette salle. Aucun des chevaliers qui sont assis pour festoyer avec toi ne prendra jamais son bouclier pour me disputer cette jeune fille ! » Et sans rien ajouter, le cavalier piqua des deux, reprit sa lance, franchit la porte d’enceinte et disparut avec sa proie dans la forêt.
    Assis à sa place, à côté du roi, Gauvain se trouvait aussi affligé que perplexe. Il ne parvenait pas à décider de la meilleure conduite à tenir. Devait-il s’élancer pardessus la table et poursuivre immédiatement le cavalier inconnu ou bien tranquillement attendre la fin du repas ? Il demeura un long moment pensif au point d’en oublier le boire et le manger. Enfin, il estima préférable de patienter : son cheval, Gringalet {5} , était si rapide qu’il aurait vite fait de rattraper l’agresseur où qu’il se trouvât.
    Mais si Gauvain demeurait calme, Kaï écumait de rage. Se levant d’un bond, il apostropha l’assemblée : « Bande de couards ! Je ne me sens pas le cœur à rester un instant de plus dans cette cour ! Comment ? Il ne s’est trouvé parmi vous personne qui ait osé résister ? Ce cavalier a outragé le roi et nous-mêmes en emmenant la jeune fille sous notre nez ! Et il en est un encore plus lâche, c’est l’homme auquel le roi avait confié la mission de protéger la jeune fille ! Voyez comme il reste prostré dans son coin ! Maudit cent fois celui qui, le premier, a vanté sa valeur et son courage ! » Et, sans plus attendre, Kaï revêtit son armure, fit amener son cheval, l’enfourcha et s’engagea sur le chemin que le ravisseur avait emprunté.
    Arthur ne disait rien. Sans manger ni boire, il se montrait profondément troublé par cette aventure dont il ressentait toute l’humiliation. Il prit son couteau, le ficha en plein milieu d’un pain, puis appuya dessus avec une telle force que la lame se cassa en deux avec un bruit sec. « Seigneurs, dit-il alors, je suis accablé de honte par le méfait de ce cavalier. Mais je le suis encore davantage par la défaillance de Gauvain. Si j’avais une certitude, c’était bien qu’il me préserverait de toute offense de
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