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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1
Autoren: Micheline Bail
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ou mis à mort sous la torture.
    C’était d’ailleurs avec un mélange de surprise et de colère que Frontenac avait appris, à l’île Percée et de la bouche des récollets venus au-devant de son bateau, la catastrophe qui venait de s’abattre sur la Nouvelle-France. Le 5 août précédent, mille cinq cents guerriers s’étaient jetés dès l’aube sur Lachine endormie, avaient tiré de leur lit et attaqué à coups de casse-tête et de haches des habitants hébétés, qui avaient été massacrés sans pitié. Les hommes avaient été charcutés, cependant qu’on éventrait les femmes et qu’on embrochait les enfants. Quelques survivants avaient été amenés prisonniers. En se repliant sur la rive nord du lac Saint-François, les Iroquois avaient d’ailleurs brûlé vifs ceux qui étaient incapables de marcher jusqu’aux campements ennemis. Leurs cris d’épouvante et leurs gémissements inhumains, portés et amplifiés par le vent, s’étaient fait entendre jusqu’au lever du jour. Depuis lors, les attaques-surprises se succédaient à un rythme affolant et faisaient chaque jour de nouvelles victimes.
    â€” D’après ce que j’ai pu savoir, le découragement s’est emparé de la population et certains parlent déjà de plier bagage et de rentrer en France, lui avait glissé Callières à l’oreille, la veille au soir.
    Louis serrait des mains, jetait une parole d’encouragement par ci et répétait, comme un leitmotiv, de vigoureux «Nous vengerons nos morts » ou «Nos ennemis vont voir de quel bois se chauffe un de Buade » par là, tout en marchant d’un pas énergique. Il ressentait malgré lui une affection paternelle pour ce petit peuple combatif et fier qui, hier encore, jouissait d’une situation stable. N’avait-il pas laissé la colonie en paix quand il l’avait quittée bien à regret, sept années plus tôt? À l’époque, ce pays si prospère était encore à l’abri des incursions iroquoises et vivait tranquillement de fourrures, d’agriculture et de pêche. Les Cinq Nations étaient tenues en respect par l’habile politique d’apaisement et de négociation qu’il avait assidûment menée pendant dix ans. Alors qu’aujourd’hui... Rien que d’y penser, il sentait la rage et le dépit l’envahir.
    Mais qu’avaient fait ses successeurs pour précipiter le pays dans de pareilles affres? s’interrogeait-il en vain. Denonville aurait certes des comptes à rendre. Louis le tenait responsable du malheur actuel et entendait bien le lui dire avant son départ imminent pour la métropole.
    Â«Aurais-je pu empêcher cela si j’étais arrivé plus tôt? » se demandait encore le vieux comte, tout en s’approchant d’un groupe de femmes qui se mirent à parler toutes en même temps des malheurs des uns et des autres, dans une cacophonie assourdissante. L’une d’elles l’avait même saisi par l’uniforme et le retenait captif.
    Louis se dégagea et pressa le pas, mal à l’aise devant ce débordement d’émotions contre lequel il ne pouvait rien, du moins dans l’instant, dût-il être le Messie en personne. Mais il fallait agir et il agirait. La petite enquête qu’il avait d’ailleurs fait mener la veille auprès d’officiers proches de Denonville et de Vaudreuil avait porté fruits. Il détenait assez d’informations pour comprendre la défiance de la population à l’égard du gouverneur sortant et du commandant des troupes. L’absence de riposte des soldats et des miliciens devant la barbarie de l’attaque iroquoise l’expliquait largement, croyait-il. Certaines personnes accusaient en effet les autorités militaires d’avoir péché par incompétence ou par lâcheté, ce fameux 5 août.
    On racontait que Pierre Rigaud de Vaudreuil, qui avait remplacé Callières comme gouverneur de Montréal pendant son voyage en France, aurait commis de graves erreurs les jours précédant le massacre. Il aurait relâché la vigilance au point de permettre aux habitants de dormir dans leur maison et de se rendre à leurs champs sans escorte, contrairement aux règles de
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