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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France
Autoren: Robert Merle
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sourire figé sur les
lèvres, très sot et très chagrin, ne sachant que dire, et n’osant même pas s’en
aller.
    Ce
jour-là, je ne sais comment, malgré son extrême maigreur, elle était redevenue
fort belle, mais d’une étrange beauté qui n’était point de ce monde. Dans la
soirée, elle me demanda de la laver et de la pulvériser de parfum, de lui
mettre un peu de rouge à ses joues et de lui changer de chemise. Je lui
demandai alors si elle ne voulait point que j’appelle Barberine ou Franchou.
    — Non,
dit-elle, toi ! Toi seul !
    Quand
j’eus fini, elle me fit signe de m’asseoir sur son lit, et posant sa tête si
légère contre mon épaule, serrant sa poupée dans sa main droite, sa main gauche
se glissant par mon pourpoint ouvert (car il faisait déjà fort chaud) se
referma sur la médaille de Marie que je portais au col, ses pauvres yeux
hagards me suppliant en même temps de la laisser faire. Je me défendis tout
mouvoir pendant un long moment, mais l’immobilité où je me contraignais
finissant par m’incommoder, je me levai tout doucement, la croyant endormie. Sa
tête glissa, et son corps. Mais me sentant néanmoins comme attaché à elle, je
vis que c’était par la chaîne de ma médaille, laquelle elle tenait toujours
dans sa main serrée. J’eus quelque peine à décrisper ses doigts pour me
libérer, et à ce moment, regardant son visage et observant ses yeux ouverts et
révulsés, je m’agenouillai en tremblant à son chevet et j’écoutai son cœur
 – ce que j’avais fait bien souvent par jeu et par picanierie, quand, me
disant qu’elle avait eu de moi un grand pensamor, je lui répliquais que
j’allais incontinent le vérifier, et malheur à elle s’il y avait menterie
 – mais ce jour d’hui, c’était la vie qui me mentait, puisque son pauvre
cœur ne cognait plus contre ses côtes.
    Une
heure ne s’était point écoulée depuis la mort de la petite Hélix que mon père
m’envoya avec Samson aider au marquage des agneaux du printemps. À la vérité,
ils auraient pu, au Breuil, se passer de nous, et à mon retour à Mespech le
lendemain, je compris que c’était là prétexte pour m’éloigner, tandis que mon
père, dans la chambre du bas, à double tour verrouillée, sciait le crâne de la
morte pour vérifier sa diagnostique. Quand je revins, la petite Hélix était
pliée dans un linceul et déposée en sa couchette de bois de châtaignier, la
poupée de Catherine dans les bras, et autour de la tête un pansement dont je
saisis aussitôt la raison.
    Faujanet
attendait que je jetasse à la petite Hélix un dernier regard pour clouer le
couvercle qui allait la séparer du monde des vivants. Je fis une brève prière
et, m’éloignant à longues jambes pour non pas entendre les coups de marteau du
tonnelier, je montai jusqu’à la chambre de Catherine, qui pleurait sur son
grand lit, comme je l’avais pensé, et cette mort, et la perte de sa poupée.
L’ayant prise dans mes bras, la douceur et la chaleur de son petit corps potelé
me firent un bien immense après ce que je venais de voir, et larmes et baisers
mêlés, je lui jurai qu’à mon retour de Montpellier, je lui rapporterais poupée
plus belle et plus grande que fille possédât jamais en Sarladais.
    Avant
que d’aller trouver mon père pour lui rendre compte du marquage des agneaux, je
pris le temps de sécher mes larmes, ne voulant point l’indisposer par ma
faiblesse. Je le trouvai dans sa librairie, marchant de long en large, les
traits du visage tirés. Il me dit avec une froideur dont je voyais bien qu’elle
était feinte :
    — C’était
bien un apostume, comme je l’avais pensé, et de la grande dimension, et qui
devait fort opprimer les méninges et les nerfs avant de les inonder de son pus.
    Ceci
me fit grand mal, et ne voulant point rester sur l’image affreuse que ces mots
peignaient en mon esprit, je dis :
    — L’allez-vous
faire savoir à M. de Lascaux ?
    — Non
point. Il n’est pas mauvais homme, certes, mais gonflé qu’il est de sa vanité
comme un dindon, je m’en ferais un ennemi.
    Il
baissa les yeux.
    — Escorgol
a fini de creuser la tombe à côté de celle de Marsal le Bigle dans le nord de
l’enclos. Nous l’enterrerons à midi, selon notre sobre rite. C’est moi qui
ferai le prêche, et il sera fort court. Désirez-vous être là ?
    Je
compris aussitôt que mon père me demandait non point de m’abstenir de paraître,
mais de contenir mon
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