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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France
Autoren: Robert Merle
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royaume,
comme si les plus acharnés papistes perdaient cœur à voir l’Espagnol mal estimé
chez nous.
    Il
y eut un silence. Mon père, regardant ses fils alternativement, dit non sans un
certain ton d’autorité et de pompe :
    — Messieurs
mes fils, votre oncle Sauveterre et moi-même, nous avons estimé que le moment
était favorable pour devancer quelque peu nos plans, et vous dépêcher tous deux
à Montpellier pour y faire vos études. Vous partirez dans deux jours. Miroul,
votre valet, vous accompagnera.
     
     
    Je
ne fus ni heureux ni marri de cette décision. Je l’acceptai avec l’inappétence
que je portais à tout. Cependant je m’apprêtai, comme me l’avait commandé mon
père, à rassembler tous mes biens périssables, vêture et livres, ce qui ne
faisait pas encore un bien grand volume. Nous partions à trois, mais nos
chevaux étaient quatre, car il en fallait un de plus pour porter le bât de
trois personnes, et trois arquebuses, au surplus, avec leurs munitions. Dans
les fontes des selles de nos chevaux, nous avions chacun deux pistolets, et à
notre côté, dague et épée, que nous ne devions jamais quitter, même pour
dormir. Selon l’ordre de mon père, nous devions porter, par les chemins,
corselet et morion, et ne les défaire qu’au bivouac : dure consigne par ces
chaleurs, mais, si bien armés que nous fussions, notre troupe était bien petite
pour un si grand voyage.
    Je
partais sur Accla et Samson sur Albière, sa jument blanche. Mais pour Miroul et
le cheval de bât qu’il devait guider, bien loin de nous donner des rosses, mon
père choisit deux petits arabes rapides et résistants, arguant que, si nous
étions attaqués par une forte bande de gueux, notre seul salut étant alors dans
la fuite, il ne fallait point hasarder de perdre notre précieux valet, ni nos
bagues.
    Nous
devions, de Sarlat, gagner Cahors, puis Montauban. Mais de là, mon père ne
voulut pas que nous prenions le chemin de Castres, qui eût été le plus court,
mais passait par des chemins en lacis en des lieux fort sauvages. Il préféra
que nous tirions au plus long par Thoulouse, Carcassonne et Béziers, route de
plaine, plus sûre, où le passage était fréquent.
    La
veille du départ, mon père et Sauveterre, se souvenant qu’ils avaient été
Capitaines à la légion de Normandie, vérifièrent notre équipage avec la
dernière minutie : les armes, les harnais, les bridons, les fers des
chevaux, les courroies, les alènes et le fil pour réparer nos bridons, tout y
passa.
    Enfin,
à l’aube même de notre grand voyage, mon père, fort ému, et l’oncle Sauveterre
aussi, bien qu’il le parût moins, nous reçurent dans la librairie alors que
nous étions déjà armés en guerre, le morion en tête.
    Sauveterre
prit le premier la parole pour nous ramentevoir de prier Dieu non par lèvre et
parole, mais par le cœur, de lire les Livres saints et de nous en pénétrer, de
chanter les Psaumes (Miroul emportant sa viole) matin et soir, et de garder en
mémoire la parole de Dieu comme un perpétuel conseil dans toutes les
circonstances de notre vie, grandes et petites.
    Quand
il acheva, mon père nous donna des avis qui regardaient davantage notre
conduite dans ce monde que notre avenir dans l’autre.
    — Mes
droles, dit-il d’une voix tout ensemble grave et chaleureuse, à vous deux vous
avez à peine trente ans, et si jeunes, vous allez partir par les grands chemins
et affronter le vaste monde. Les pièges sur votre route seront innombrables. Il
faudra les déjouer de vos ressources et de vos armes, et sachez que, parmi
celles-ci, la courtoisie est la plus sûre. Avec le riche et le pauvre, le
gentilhomme et le manant, gardez constante votre périgordine amabilité. Ni en
paroles ni en attitudes ne portez ombrage à quiconque. Cependant, qu’on sache
bien, en vous voyant, que vous n’êtes pas hommes non plus à vous laisser
morguer. N’entrez pas facilement en querelle, vous surtout, Pierre, qui avez
l’humeur si prompte, mais une fois dedans, ne lâchez pas pied, poussez donc
hardiment. Ceci, je le dis à vous, Samson, qui êtes si long à dégainer et si
long à conclure. Sachez que votre retardement peut coûter la vie à votre frère bien-aimé,
comme il a bien failli arriver dans le faubourg de la Lendrevie. Évitez, comme
diables en Enfer sur le chemin, beuveries, jeux d’argent, ripailles de gueule,
qui sont ruine de bourse, d’âme et de santé. En Montpellier, choisissez
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