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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France
Autoren: Robert Merle
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fallut près de deux heures pour atteindre Sarlat, car
j’imposais un petit train, ne voulant pas fatiguer les chevaux, la route étant
fort longue. Je n’avais point envie de trop parler, mais c’était un silence vif
et attentif, la pensée agile, et ne retombant point, je l’observais avec
soulagement, dans ces marais du passé où ma pensée s’enlisait si morosement
depuis la mort de la petite Hélix. Abordant la route de Cahors, je trouvai
devant nous un chemin fort montant et fort long entre deux bois très feuillus
et très beaux de châtaigniers. Je mis au pas ma jument noire et, me retournant,
une main sur ma selle, je demandai à Miroul de nous chanter un psaume pour
bercer cette lente, longue et monotone montée. Je le vis, étant toujours tourné
vers lui, pencher en souriant la tête pour faire passer sur le devant la viole
qu’il portait en bandoulière, et abandonnant ses rênes sur le garrot de son
petit arabe qui piochait des sabots dans le sol montueux, il tendit, avec une
prière des yeux, la longe du cheval de bât à Samson. Mettant alors sa viole au
travers de l’arçon, il en pinça les cordes et commença, soit hasard, soit parce
qu’il l’aimait aussi, soit parce qu’il le trouvait approprié à notre long
voyage, le psaume que si souvent la petite Hélix avait réclamé de lui en ses
dernières semaines : « Confie à Dieu ta route. »
    J’eus
peur pour moi, en ma nouvelle humeur, des effets de ce choix, mais ce fut le
contraire. Tandis que Miroul et Samson chantaient, je me mis à chantonner à
voix basse aussi, et cette fois sans serrement du nœud du cou, sans larmes et
sans chagrin.
    La
côte était fort longue, et Miroul chanta tous les couplets, que bien il savait
pour les avoir si souvent répétés dans la chambre de la petite Hélix. Il arriva
enfin au dernier, et quand il l’eut fini, je lui demandai de le répéter, ce
qu’il fit, et dès qu’il l’entama, je le chantai avec lui à pleine gorge, penché
en avant, dressé sur mes étriers, mon gentil frère Samson me regardant en
souriant.
     
    Bénis, O Dieu, nos routes,
    Nous les suivrons heureux,
    Car toi qui nous écoutes,
    Tu les sais, tu les veux,
    Chemins riants ou sombres,
    J’y marche par la foi.
    Même au travers des ombres,
    Ils conduisent à toi.
     
    La
montée déboucha sur du plat tandis que nous chantions ce couplet, et je dis à
Miroul de remettre sa viole en son dos et de reprendre à Samson la longe du
cheval de bât. Dès qu’il eut fait, je me tournai vers Samson :
    — Sens-tu,
Samson, cette bonne odeur de feuille et de pré tendre ?
    — Je
la sens, dit Samson, joyeux de me voir sortir de mes silences. C’est le soleil
du tôt du matin qui sèche la petite pluie tombée cette nuit.
    — Samson,
est-ce que Montpellier est ville plus grande que Sarlat ?
    — Bien
plus grande, et bien plus belle.
    — Belle,
il faut qu’elle le soit, pour que les garces y ploient si joliment le col en
battant du cil !
    — Qu’est
cela ? dit Samson avec un zézaiement qui me le fit infiniment aimer de
nouveau.
    — Samson,
dis-je pour le picanier, te souviendras-tu de dégainer promptement si nous
sommes attaqués ?
    — Je
m’en souviendrai.
    — Samson,
museras-tu quand il faudra saisir tes pistolets dans les fontes ?
    — Je
ne muserai point, dit Samson, radieux et riant.
    — Samson,
voici du plat devant nous, et un sol sablonneux. Si nous mettions au petit
galop ?
    — Pardi !
Si tu le veux !
    Je
me tournai vers Miroul :
    — Galop,
Miroul ? Es-tu prêt ?
    — Mes
arabes, Monsieur mon maître, vous suivront jusqu’au bout de la terre !
    Je
galopais, et Samson galopait, et derrière nous, tenant haut la longe d’une main
et ses rênes de l’autre, Miroul galopait avec ses deux arabes. À dextre et à
senestre, comme flèches échappées de la corde d’un arc, filaient les branches
d’arbre, et mon Accla chaude et mouvante entre mes jambes, l’espérance, neuve
et luisante comme les feuilles, me gonfla tout soudain.

 
     
     
     
     
     
     
     
ANNEXES

NOTES DE L’AUTEUR
     
     
    1. Au
lecteur désireux de se documenter plus avant sur Sarlat nous renvoyons aux
magistrales études de Jean Maubourguet, et notamment aux trois tomes de Sarlat
et le Périgord méridional (édités par la Société Historique du Périgord).
    2. Nostradamus
(1503-1566), qui ne dut qu’à la protection royale d’échapper à un procès de
sorcellerie que l’Église lui eût fait
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