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Fleurs de Paris

Fleurs de Paris

Titel: Fleurs de Paris
Autoren: Michel Zévaco
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DU BAL
    Minuit.
    Les nouveaux époux ont annoncé qu’ils vont
partir : au bout d’un mois passé au manoir de Prospoder, ils
reviendront bien vite, et ils ont fixé la date de la prochaine fête
qu’ils donneront.
    Le bal est terminé, et les couples enfiévrés
par l’opulence du décor, par la magnifique volupté de cette soirée,
descendent l’escalier.
    Minuit…
    Loin du grand salon, dans la chambre nuptiale
toute tendue de vieilles soieries brochées jadis pour la Pompadour,
devant le lit, merveille de reconstitution d’après les vestiges de
Trianon, Gérard et Adeline sont en présence. Depuis huit mois,
depuis l’assassinat, les deux damnés se fuient ; ils se sont à
peine parlé, à peine vus ; Adeline a tout combiné, – entrée en
possession des vingt millions, contrat de mariage, la cérémonie, la
fête – c’est elle qui a tout préparé… armée du pacte signé dans la
nuit terrible.
    Et maintenant, elle le magnétise de son regard
de flamme… elle s’offre, elle l’attire, son sein palpite, ses
lèvres humides se contractent dans le sourire des voluptés
insensées… et lui songe, dans une effroyable songerie :
    – La maîtresse de mon père !… Ma
femme !…
    Un grand frisson glacial parcourt son
échine : l’image vient de passer devant ses yeux, d’un corps
qui tournoie et descend vers les abîmes de l’océan qui hurle dans
la nuit…
    Mais presque aussitôt, cette évocation est
remplacée par une autre : une figure pâle… et si
douce !
    Lise !… Lise, à laquelle il ose à peine
songer depuis qu’il sait que Lise… c’est Valentine… sa sœur !…
Lise, dont il a évité fiévreusement de rechercher la trace…
persuadé que maman Madeleine a dû l’emmener loin de Paris ;
car tout ce qu’il a eu le courage de faire, c’est de constater que
l’appartement du troisième, dans la maison d’en face, est inoccupé…
donc elles sont parties !…
    Et avec un frisson plus glacé, les yeux fermés
frénétiquement, il gronde en lui-même :
    – Lise !… Valentine ! … Ma sœur
Valentine !… Ma sœur Valentine !… Et je l’aime !…
Toujours !… Ô Lisette !…
    Pourquoi ai-je appris l’affreuse vérité ?
Pourquoi ne suis-je pas encore à cette matinée de mai où si pure,
si confiante, si adorable, vos yeux d’ange éclairaient l’enfer de
mon âme ?…
    Si puissante est l’illusion, que Gérard tend
les bras vers la radieuse image évoquée… et ces bras se referment
sur un corps souple et vibrant que la volupté fait frémir… Gérard
ouvre des yeux hagards…
    – Sapho… râle-t-il.
    – Oui ! répond-elle d’une voix
expirante, cette fois, c’est Sapho ! C’est-à-dire tout
l’amour, toute la passion, toute la volupté… Sapho ! ta femme…
ta maîtresse… le docile instrument de ton plaisir… seulement
orgueilleuse de provoquer en toi la joie d’aimer dans ses
raffinements de sublime impudeur…
    Elle l’enlace… elle l’enivre… il oublie le
monde, Lise, son père assassiné…
    Oublier !… oh ! oui… oublier, vivre
ne fût-ce qu’une heure dans l’ivresse d’un rêve où les réalités
sinistres qui l’assiègent se fondraient comme des fantômes !…
Il s’exalte… il la saisit… ils frémissent tous deux, ils balbutient
et chancellent… leurs têtes se rapprochent… et, pour la première
fois, leurs lèvres desséchées vont s’unir…
    Tout à coup, Gérard recule, livide, avec un
gémissement, et sa main secouée d’un tremblement convulsif désigne
une porte… une porte entr’ouverte…
    La porte du cabinet où jadis travaillait son
père.
    Et le cabinet communique à une chambre où
jadis a dormi la petite Valentine… l’enfant disparue…
    Une sorte d’îlot dans l’hôtel.
    Une porte que Gérard a fait condamner
depuis longtemps
, parce qu’il n’a jamais osé pénétrer dans le
cabinet du père assassiné… parce que ce cabinet est la seule pièce,
avec celle de Valentine, à laquelle on n’ait pas touché dans la
restauration de l’hôtel !…
    Et cette porte entr’ouverte… – oui !
entr’ouverte. – Gérard la fixe avec épouvante…
    Car pourquoi est-elle ouverte, puisqu’elle
était solidement condamnée ?
    Sapho, une seconde, est demeurée immobile, la
gorge haletante, penchée elle aussi vers cette porte… la porte
ouverte
qui les fascine tous deux, qui les glace d’horreur
comme s’il en sortait un souffle de tombeau.
    Et Gérard, ivre de
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