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Fleurs de Paris

Fleurs de Paris

Titel: Fleurs de Paris
Autoren: Michel Zévaco
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noble, si fière dans
votre pauvreté, faire à ma destinée l’aumône de votre premier
amour !
    – Je vous aime : là est toute ma
récompense. Vous m’aimez, et ceci est pour moi un tel bonheur, que
le reste ne compte plus…
    – Adeline… Mon Adeline adorée…
murmure-t-il, enfiévré de passion.
    Mais elle, légère et gracieuse, s’échappe des
bras du baron, et, avec un sourire :
    – Quels souffles terribles viennent de la
mer !… Vous ne vous plaisez qu’à ces grands spectacles, mon
Hubert bien-aimé !… Mais moi, cela me fait peur…
    – Je vais fermer le balcon, dit
l’homme.
    Mais déjà elle s’est avancée sur ce balcon… La
rafale nocturne la fouette, les embruns d’écume bruissent dans les
airs, l’Océan énorme se lamente et gronde en bas, dans l’ombre…
    Et que fait-elle ?… Que cherche sa main
ardente sur le fer de la balustrade ?…
    Oh !… cette balustrade en fer !…
Usée, rongée !… sciée peut-être, qui sait !… Elle tient à
peine en place… elle ne tient plus que par une cheville !… Et
c’est sur cette cheville que vient de s’abattre la main d’Adeline…
de Sapho !…
    Elle se retourne… le baron est près
d’elle…
    – C’est beau ! dit elle. C’est d’une
surhumaine magnificence…
    Le baron, des deux mains, fortement, s’appuie
à la bordure de fer… et…
    Un cri !… Une clameur traversant
l’espace !… Un corps qui tombe !…
    Sapho, tout à coup, a arraché la
cheville !… La rampe s’est abattue dans le vide !…
    Le baron d’Anguerrand tombe, tournoie comme un
grand oiseau blessé à mort…
    Une vague monstrueuse se dresse à ce moment
pour le recevoir…
    C’est fini… plus rien !…
    Là-haut, Sapho rentre dans le salon… et
demeure là, fascinée par l’abîme…
    Alors, près de sa tête livide, une autre tête
se penche… c’est Gérard !…
    Et, la main dans la main, serrés l’un contre
l’autre, ils reculent…
    Longtemps, ils demeurent à la même place,
immobiles, silencieux… et, dans le premier regard qu’ils échangent
enfin, ils reconnaissent qu’ils sont à jamais rivés l’un à l’autre…
rivés à l’épouvante… rivés à l’horreur !…

Chapitre 5 LES DEUX CORTÈGES
    Huit mois écoulés…
    « Je suis victime d’une horrible
fatalité ; les apparences m’accablent, et je dois fuir pour
combattre la hideuse erreur. Je te jure mon innocence. Je
reviendrai. Aie confiance, et, quoi qu’il arrive, dis-toi bien que
tu me reverras et que je t’adore… »
    Cette lettre, froissée, déchirée aux coins par
l’usure, Lise l’a relue mille fois peut-être. Cette lettre de son
bien-aimé Georges, elle l’a reçue le surlendemain de son mariage.
Et elle la relit encore. Puis elle la baise doucement, la replie,
et la remet à sa place… dans son sein.
    Dans la même maison où a eu lieu la noce… où
s’est passée la terrible scène de l’arrestation, la catastrophe…
Mais ce n’est plus au troisième, c’est dans une pauvre chambre au
sixième, sous les toits. Une triste matinée de fin janvier, grise
et lugubre à faire pleurer. Lise est vêtue de noir. Son joli visage
a maigri. Un pli creuse son front d’ange. Mais dans ses pauvres
yeux si doux rayonne une indestructible confiance… un amour que
rien n’éteindra !
    – Oui ! il est innocent !…
Oui ! il reviendra !… Oui ! il m’aime !…
    Il reviendra !… près de huit mois se sont
écoulés… Où est-il son bien-aimé ?… Que fait-il ?…
Peut-être qu’il est malheureux… Peut-être qu’il a dû fuir
loin !… Mais il reviendra… elle en est sûre… elle le sent dans
sons cœur… et… elle se met à pleurer doucement, timidement, sans
bruit…
    Elle essuie ses yeux et murmure :
    – Aie confiance !…
    Alors, elle se lève du coin de table en bois
blanc, de la chaise de paille où elle est assise, et, lentement,
s’approche du lit…
    Sous le drap, se dessine une forme raidie, et
sur le drap, il y a une croix…
    Madame Madeleine est morte… le chagrin l’a
tuée…
    Lise s’agenouille, et, le visage dans ses
petites mains que la misère a faites diaphanes, elle songe à son
malheur.
    Des heures se passent…
    Puis une scène rapide… Un cercueil sur le
carreau… Lise est dans la rue… Comment ? Elle ne sait
pas !…
    Elle est seule, toute seule derrière le
corbillard… Elle n’entend rien… rien que les battements sourds de
la douleur dans son cœur déchiré.
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