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Fiora et le Téméraire

Fiora et le Téméraire

Titel: Fiora et le Téméraire
Autoren: Juliette Benzoni
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donc aussi ce que j’étais ?
    – Je
le sais. C’est à ce titre que j’ai désiré vous voir...
    – Je
n’aime guère me rappeler ces années-là mais... à votre service, madame ! Voulez-vous
vous asseoir un peu devant la maison ?
    – Ne
pouvons-nous marcher ? Vous avez là une belle vigne...
    Sous
la barbe blanche qui donnait à ce solitaire l’air d’un patriarche, naquit un
timide sourire :
    – Et
qui donne de bon vin... Marchons donc puisque c’est votre désir...
    Ils
firent quelques pas entre les rangées régulières de plants que le vieil homme
caressait au passage d’un geste affectueux.
    – Il
y aura dix-huit ans en décembre prochain, dit Fiora, un inconnu, un riche
marchand florentin, vous a donné de l’or pour accomplir une mission qu’il vous
avait confiée et qui lui tenait à cœur. C’est de cela que je suis venue vous
parler...
    Maître
Signart s’arrêta et Fiora, qui marchait devant lui, se retourna. Elle vit que
son visage était devenu très pâle :
    – Qui
êtes-vous, fit-il d’une voix soudain enrouée, pour évoquer ce terrible jour
dont j’implore chaque jour le Tout-Puissant de m’ôter le souvenir ?
    Lentement,
Fiora fit glisser le voile blanc qui enveloppait sa tête pour mettre son visage
à découvert :
    – Regardez-moi !
... Je suis « leur » fille, celle que le marchand florentin avait
adoptée...
    Vivement,
le vieillard se signa comme devant une apparition puis cacha sa figure dans ses
mains que la jeune femme put voir trembler.
    – Que...
que voulez-vous ? balbutia l’ancien bourreau. Quelle vengeance voulez-vous
exercer sur un vieil homme ?
    – Je
leur ressemble donc à ce point ?
    – Au
point de réveiller mes cauchemars. Vous n’imaginez pas combien de fois je les
ai revus, tous les deux ! Ils étaient jeunes... ils étaient beaux, ils se
souriaient... et moi j’ai dû les abattre...
    – C’est
peut-être le meilleur service que vous ayez pu leur rendre parce qu’ils sont
partis ensemble. Je hais ceux qui les ont conduits à l’échafaud mais, si on les
avait enfermés, séparés l’un de l’autre et jusqu’à ce que la mort les prenne,
je crois qu’ils auraient été infiniment malheureux. Quand on s’aime, il doit y
avoir une douceur à partir ensemble, même par ce chemin-là...
    Le
vieil homme avait laissé retomber ses mains et contemplait cette belle jeune
femme qui, de toute évidence, l’avait oublié et se parlait à voix haute. Il la
regardait avec étonnement mais non sans une sorte de soulagement...
    – Vous
pensez vraiment ce que vous dites ?
    Elle
lui sourit sans la moindre arrière-pensée. Ce vieillard déplorant le crime qui
n’était pas le sien, qui même en était obsédé la touchait. Lui, le malheureux,
n’avait été qu’un instrument et il demeurait hanté par le souvenir de ces deux
êtres qu’il lui avait fallu décapiter. Ceux qui avaient voulu, ordonné cette double
mort avaient-ils connu, eux aussi, les mauvais rêves et les obsessions ? Fiora
en doutait beaucoup. Regnault du Hamel était un homme sans cœur, Pierre de
Brévailles ne devait pas en avoir davantage. Quant au duc de Bourgogne, le
souvenir d’un jeune frère d’armes assassiné ne devait pas peser beaucoup auprès
de ses royales ambitions.
    – Je
pense chacun des mots que je dis, reprit Fiora, et je ne suis pas venue vous
tourmenter mais uniquement vous demander où se trouve cette tombe que mon père
avait souhaitée pour eux. Je voudrais pouvoir y prier...
    Tout
en disant ces mots et se souvenant de ce qui s’était passé chez Jehan du Poix,
elle porta la main à son escarcelle mais le vieillard l’arrêta :
    – Surtout,
ne m’offrez rien ! Votre père a royalement payé la tâche qu’il m’a confiée :
c’est à lui que je dois de posséder cette maison qui me rapproche du ciel, moi
qui vivais dans la fange. La tombe que vous cherchez est tout près d’ici...
    – Vous
allez pouvoir m’y conduire, alors ?
    – Non,
car il vaut mieux que l’on ne nous voie pas ensemble. Mais vous trouverez
facilement : en sortant d’ici et en prenant le chemin à main gauche, vous
verrez, près du petit bois qui couronne ce coteau, une fontaine. Elle
appartient au prieuré comme les terres qui l’entourent et s’appelle la fontaine
Sainte-Anne. Le sol en est sacré. C’est à côté de la fontaine que je les ai
enterrés et j’ai planté dessus une aubépine qui est en fleur plus tôt et
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