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Favorites et dames de coeur

Favorites et dames de coeur

Titel: Favorites et dames de coeur
Autoren: Pascal Arnoux
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cour de Charles VII reprit l’habitude itinérante des premiers Capétiens, mais se cantonna aux régions que le souverain affectionnait, qui l’avaient accueilli aux temps difficiles : le Berry, la Sologne ; et le val de Loire, de la Touraine à l’Anjou. Le « jardin français » devait rester par la suite le séjour préféré des Valois. Charles VII coula des jours heureux avec la belle Agnès au Bois-Sire-Amé, près de Bourges, ou encore à Razilly, non loin de Chinon et de Loches. L’indéniable influence d’Agnès sur le roi fut fort heureuse sur le plan politique et artistique. Outre les « gentilz compaignons » cités plus haut, elle protégea le banquier Jacques Cœur, ce « premier homme d’affaires français de type moderne 16  », dont les activités profitèrent au Trésor royal et relancèrent l’économie.
    Aimant le luxe, Agnès défraya la chronique par ses robes somptueuses et les bien-pensants s’en étranglèrent d’indignation. Panetier et membre du conseil du duc de Bourgogne, Georges Chastellain constata qu’elle tenait « état et rang de princesse » et l’accusa de s’habiller de façon provocante « pour dévoyer gens et donner exemple aux prudes femmes de perdition d’honneur ». Il prétendit que cet outrage à la pudeur corrompait la jeunesse et provoquait « cent mille murmures… contre [Agnès] et le roi ». Propos d’un jaloux ? d’un hypocrite ? des deux ? Une certitude demeure : hostile à Charles VII, Chastellain fit œuvre de propagandiste pour faciliter les desseins de son maître Philippe le Bon, allié malcommode du Valois après 1435. Mais les « cent mille murmures » pourraient bien être de son invention.
    La défense de la moralité publique chez les fidèles du roi trouva son avocat en la personne de l’évêque Jouvenel des Ursins, frère du chancelier. Avec une surprenante profusion de détails, presque suspecte chez un homme d’Église, il déplora les fameux décolletés plongeants dont Agnès aurait lancé la mode, et qui laissaient voir « les tétins, tettes et seins des femmes »  : doutait-il de la vertu de ses ouailles devant un aussi charmant spectacle, à une époque réputée – à juste titre – peu pudibonde ? Encore l’évêque, soucieux de leur salut, craignant la punition divine pour « puterie, ribaudie et tous autres péchés  », était-il dans son rôle. Remarquons la verdeur du propos chez les ecclésiastiques de haut rang, en ce temps-là, qui avait le mérite de la clarté, et dont on peut aujourd’hui regretter l’absence. Bref, selon Jouvenel des Ursins, Agnès affichait un déplorable exemple : une « honnête femme » n’aurait pas possédé tant de robes si osées. On accusa même la favorite d’aggraver le déficit commercial du royaume, car les étoffes précieuses, l’or et les bijoux qu’elle arborait provenaient de l’étranger.
    Autre contemporain, Jacques du Clercq commenta cette faveur en termes plus mesurés, disant toutefois que le roi ne menait plus « moult sainte vie » depuis qu’il « s’accointa d’une jeune femme, laquelle fut appelée […] la belle Agnès ». Le pauvre du Clercq était mal informé, car le voluptueux Charles VII n’avait pas attendu « la belle Agnès » pour tromper allègrement la reine : dès les premières années de son mariage, il « s’accointa » avec quelques jeunes beautés peu farouches !
    Les chroniqueurs du siècle suivant furent plus indulgents, parce qu’on se souvient des bonnes choses plutôt que des mauvaises, et aussi parce que les favorites, désormais à la mode, tenaient le haut du pavé. Sous leur plume, Agnès Sorel devint la continuatrice de l’œuvre de libération nationale commencée par Jeanne d’Arc, et se mua en une sorte d’ange gardien du roi de France.
    Début de la Renaissance ?
    Le luxe déployé par Agnès, avec la bénédiction du souverain, traduisait imparfaitement, ou plutôt annonçait le retour de la prospérité. Amorcée par Jeanne d’Arc, la victoire finale de la France sur l’Angleterre se profilait avec netteté depuis l’accord franco-bourguignon de 1435. Mais les succès militaires devaient beaucoup, de façon indirecte, à la réorganisation fiscale de 1439 : le roi put lever l’impôt sans quémander l’accord préalable, souvent tatillon, des états provinciaux. D’un revenu prévisible et plutôt régulier, sauf les années de mauvaise récolte, le produit de
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