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Favorites et dames de coeur

Favorites et dames de coeur

Titel: Favorites et dames de coeur
Autoren: Pascal Arnoux
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rêvait-il pas de se venger du roi sans oser passer à l’acte ? Plus près de nous, l’infortune conjugale enrichit le peintre Steinheil : bon prince, le président Félix Faure lui acheta ses croûtes bien au-dessus de leur prix et lui fit attribuer une commande de tableaux par l’État.
    Certains maris jaloux piquèrent un coup de sang et firent du scandale ; on se contentait de les exiler sur leurs terres et, s’ils récidivaient, la menace d’une lettre de cachet suffisait à les faire fuir. Le marquis de Montespan ne manqua pas d’honneur : entre autres peccadilles, il porta ostensiblement le deuil de sa femme, favorite de Louis XIV. Les rois de France ne furent jamais des tyrans sanguinaires : aucun mari trompé ne subit le triste sort d’Urie le Hittite, dont David, roi d’Israël, avait « connu » la femme, la belle Bethsabée, au sens biblique du terme 6  ; soudain oublieux des sévères préceptes du Dieu unique, David avait opportunément expédié le malheureux Urie dans un combat glorieux, dont il était sûr qu’il n’en reviendrait pas…
    Les favorites célibataires se voyaient attribuer des époux complaisants pour masquer leur liaison ; ces indispensables fâcheux étaient ensuite éloignés en province, lestés d’un office rémunérateur qui les consolait de leur déconvenue.
    Vie et mort des favorites
    À l’exception de Mme du Barry, guillotinée en 1793, les favorites des rois de France moururent toutes dans leur lit. La maladie emporta le tiers de l’effectif avant quarante ans, ou peu s’en faut : Agnès Sorel, Françoise de Châteaubriant, Gabrielle d’Estrées, Marie-Angélique de Scorailles, les trois sœurs Mailly, Mme de Pompadour. Celles qui ne décédèrent pas « en fonction » furent oubliées ou exilées loin de la capitale, mesurant à l’aune de leurs souvenirs l’inconstance et la fragilité humaines. Quelques-unes conservèrent leur beauté et leur grâce, d’autres s’empâtèrent et s’enlaidirent. Avec l’inexorable fuite du temps, ces femmes qui, jeunes, avaient provoqué le scandale, se muèrent en respectables vieilles dames, achevant leur cycle terrestre dans la piété, la dévotion et la charité. Plusieurs eurent d’admirables « secondes vies » et des morts édifiantes, qui rachètent leurs péchés de jeunesse et confondent leurs calomniateurs. Soyons indulgents à leur égard : la chair est faible et la tentation forte, et que celui qui n’a jamais péché leur jette la première pierre…
    Nation latine, catholique, la France possède une double tradition de tolérance et de pardon qui explique pourquoi on ne s’en prit pas aux favorites après leur disgrâce. Seule Mme du Barry se retrouva condamnée à mort par le tribunal révolutionnaire, émanation d’un régime antichrétien : la « vertu » glacée et puritaine de la Révolution ignora l’absolution. À contrario , les confesseurs des rois ne voulaient jamais la mort de la pécheresse : ils n’exigeaient que son éloignement de la cour et son repentir d’une vie dissolue.
    Deux siècles et demi plus tôt, la tendresse n’avait guère étouffé le schismatique Henry VIII d’Angleterre : il fit périr sous la hache deux de ses anciennes favorites. Et, en Turquie, les intrigues de harem du Grand Seigneur débouchaient fréquemment sur des révolutions de palais, qui contrariaient les destinées de la Porte : grands vizirs décapités, ministres empalés, favorites et sultanes enfermées dans des sacs puis jetées dans le Bosphore, massacre par le sabre, le poison ou le lacet des rivaux potentiels du sultan – frères, demi-frères ou cousins. La routine, en quelque sorte.
    Le rôle de la favorite diminua au fur et à mesure que la place de la femme s’amenuisa par rapport à l’homme : elle se devait de plaire à son mari, d’être futile, soumise, coquette sans excès (les fanfreluches coûtent cher), cantonnée aux rôles de maîtresse de maison et de mère de famille. La reine régente, l’abbesse, l’animatrice de salon, la chanoinesse, la veuve de l’artisan, la favorite, restèrent les seules femmes libres entre la Renaissance et la Révolution, puis ces libertés s’évanouirent : plus de régentes faute de monarchie, plus d’abbesses depuis la suppression des monastères, plus de favorites – car les Merveilleuses du Directoire ne furent que des courtisanes de haut vol et de petite vertu. Subsistèrent les égéries littéraires,
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