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Favorites et dames de coeur

Favorites et dames de coeur

Titel: Favorites et dames de coeur
Autoren: Pascal Arnoux
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présence de cette seconde femme avait un caractère humiliant pour la reine. Les rois en avaient conscience et atténuaient cet affront par un choix volontairement limité aux filles des grandes familles : cela flattait la haute noblesse et préservait le prestige de la dynastie. Car il y avait scandale lorsque la favorite venait de la petite noblesse ou pire, de la roture : Louis XV en fit l’amère expérience.
    La favorite reflétait l’image d’une vie intime heureuse à laquelle les rois aspiraient autant que leurs sujets : si, selon le mot de Louis XIII, le devoir d’État obligeait les monarques à n’éprouver point les « sentiments des simples particuliers », ils avaient, à l’instar de tout homme, besoin de la chaleur et de la douceur d’un foyer uni ; les mariages politiques leur imposaient des princesses envers qui ils ne ressentaient pas toujours d’affinité, les sevrant des joies d’un véritable amour. Au fond, le roi, la reine et la favorite formaient le classique ménage à trois des comédies bourgeoises, la majesté en plus ; quatrième larron à l’occasion, le mari de la favorite tenait le rôle ingrat du cocu de service.
    Ce serait bien mal connaître l’éternel féminin que de prêter un visage unique à toutes les favorites des rois de France. Au contraire, les différentes facettes du caractère de la femme apparaissent chez ces « reines de cœur », avec un état d’esprit variable de l’une à l’autre : on trouve pêle-mêle des amoureuses, des ambitieuses froides, des complaisantes, des intrigantes, des têtes politiques, des femmes d’affaires, des artistes et des mécènes, des sensuelles et des frigides, des vertueuses et des garces, toutes cumulant plusieurs de ces traits. Deux choses unissent ces femmes si dissemblables : leur beauté – qui ne correspond pas toujours aux canons actuels – et leur intelligence ; les rois s’éprirent rarement de ravissantes idiotes, et c’est tout à leur honneur d’avoir orné leur cour de femmes instruites et spirituelles. La civilisation y a manifestement gagné quelque chose.
    Le cœur, la raison, les intérêts
    Maintes favorites séduisirent les rois de leur propre volonté : quel plaisir que celui de plaire au plus puissant souverain de la terre ! D’autres furent conquises par le monarque, le critère ne se bornant pas à son désir, sa vigueur sexuelle et ses faciles succès d’alcôve : l’esprit et l’art tinrent une bonne place dans ce ballet de l’amour. Mais quelques filles furent littéralement prostituées contre leur gré par leurs parents, la couche royale devenant ainsi une source de grasses prébendes pour toute leur famille ; cédant à la longue au charme du roi ou à l’adulation factice de la cour, certaines y prirent goût ; d’autres se vengèrent par leur vénalité et leur absence de scrupules. Quant à l’honorabilité de cette liaison, il est instructif de connaître l’opinion d’une « volontaire » sur la nature du « service » qu’on attendait d’elle : « Coucher avec son roi, ce [n’est] point déshonneur et […] putains sont celles qui s’adonnent aux petits, mais non pas aux grands rois et galants gentilshommes 3  » . La remarque s’applique au siècle où elle fut prononcée, le XVI e , et témoigne qu’on ne se livre pas au premier venu, mais à l’homme qui fait l’effort de plaire et de séduire.
    La favorite n’était pas une concubine ordinaire, mais la femme aimée du souverain, qui parfois la trompait. Henri II donna quelques coups de canif au « contrat » tacite qui le liait à Diane de Poitiers, car il eut trois enfants d’autant de maîtresses. Henri IV, Louis XIV et Louis XV passaient de l’une à l’autre, sans omettre le « devoir conjugal » ! Simple caprice, la concubine comptait peu et le roi revenait toujours à sa « dame de cœur ». Un gouffre plus béant séparait celle-ci des « ribaudes » et autres « filles follieuses » qui pullulaient à la cour, satisfaisant les loisirs amoureux d’une clientèle aisée. On condamnait ces plaisirs tarifés par souci de moralité et pour une raison sanitaire facile à deviner : régulières autant qu’inefficaces, des ordonnances royales essayaient de « vider la cour des filles de joie qui baillent la vérole  », selon les termes employés dans celle de 1558, époque où on appelait un chat un chat. Mais il est vain de s’attaquer à un vice vieux
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