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Et Dieu donnera la victoire

Et Dieu donnera la victoire

Titel: Et Dieu donnera la victoire
Autoren: Michel Peyramaure
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voix de fausset pour prêter le serment rituel de l’ Ordo coronationis . Il avait dû l’apprendre par coeur et le répéter souvent, car il ne marqua aucune hésitation. Jeanne n’en perçut que la dernière phrase, prononcée d’une voix plus forte et plus posée, comme pour marquer sa satisfaction d’en avoir fini avec cette épreuve :
    – ... « en toute bonne foi je travaillerai selon mon pouvoir à mettre hors de ma terre et juridiction à moi commise, tous les hérétiques proclamés par l’Église ».
    Il allait être armé chevalier par Jean d’Alençon dont l’émotion était visible au tremblement de ses mains portant la lourde épée dont il effleura les épaules de son cousin.
    Vint ensuite le moment le plus solennel de la cérémonie : l’onction sainte. Jeanne vit l’archevêque Regnault planter une aiguille d’or dans la sainte ampoule, mêler l’infime parcelle de l’huile solidifiée à un chrême liquide et, s’avançant vers le dauphin, lui appliquer avec le pouce droit les neuf onctions : au sommet du crâne, sur la poitrine, entre les deux épaules, aux plis et jointures des bras et des paumes, en murmurant :
    – Ungo te in Regem de oleo Sanctificato, in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti...
    Le grand chambellan présenta au dauphin les trois vêtements sacerdotaux : tunique, dalmatique et manteau, ainsi que les souliers et les gants bénits par l’archevêque et qui seraient ensuite, comme la chemise, livrés au feu afin d’éviter qu’ils ne fussent profanés.
    Le cérémonial du sacre terminé, Jeanne ne put retenir ses larmes lorsque l’archevêque, s’emparant de la modeste couronne prêtée par le chapitre, la plaça au-dessus de la tête du nouvel élu entouré par les douze pairs placés en cercle et qui faisaient mine de la soutenir.
    Les trompettes entonnèrent leur chant de gloire, les cloches sonnèrent à toute volée et la foule cria ses noëls.
    Il était deux heures lorsque le dernier cantique s’éteignit dans le choeur et que l’on eut lâché les colombes, la foule refluant vers la grande porte. Jeanne s’avança vers l’autel, se prosterna en larmes devant son roi et, serrant ses jambes entre ses bras, murmura :
    – Gentil dauphin, la volonté de Dieu est accomplie et ma mission achevée. Il m’avait demandé de lever le siège d’Orléans et de vous conduire à Reims. Vous êtes désormais le seul roi et la France est votre domaine.
    Il la releva, la pressa contre sa poitrine, mêlant ses larmes aux siennes.
    – Ah, Jeanne, dit-il dans un hoquet, je sais bien ce que je te dois...
     
    Sept ans... Il a fallu sept ans pour qu’il parvînt à échapper au dédain de ses proches, à l’indifférence ou à l’hostilité de son peuple, aux sarcasmes et aux vexations qu’on lui infligeait de toutes parts. Sept ans à devoir avaler sa dose quotidienne d’amertume, à supporter jusque dans son entourage les abus de confiance, les compromissions, les trahisons. Sept ans avant de pouvoir s’évader de sa chrysalide pour voler de ses propres ailes.
    Le mépris surtout lui a été sensible. C’est un vieux compagnon ; il l’a suivi durant toute son enfance, sa jeunesse et bien plus tard. Il a ressenti pour la première fois le poids de cette présence à l’hôtel Barbette, résidence de sa mère, aux alentours de ses huit ans. Jamais il ne pourra l’oublier.
    Alors qu’il jouait avec le Bâtard d’Orléans et les enfants de la reine de Sicile, il avait choisi de se cacher dans le local désaffecté où l’on entreposait les outils de jardinage. Il avait entendu, venant du fond de l’édifice, de derrière un amoncellement de paniers, des gémissements, comme de quelqu’un que l’on aurait cherché à étrangler. Il s’était avancé et avait aperçu sa mère accroupie, cottes relevées, au-dessus d’un capitaine des gardes dont les chausses tombaient sur les talons. Il avait cru qu’ils jouaient et était resté immobile à les regarder. Surprenant sa présence, sa mère lui avait lancé : « Toi, le bâtard, file et tais-toi ! Si tu parles, tu seras fouetté ! »
    Il n’avait rien dit à personne, et surtout pas à son père, de cette scène qui l’avait intrigué. Le terme de « bâtard » n’avait rien d’infamant ; c’est ainsi que l’on appelait couramment le fils que Louis d’Orléans avait eu d’une roturière, et nul n’y voyait malice. Ce qui, en revanche, l’avait heurté, c’est qu’il n’avait jamais pensé
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