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En ce sang versé

En ce sang versé

Titel: En ce sang versé
Autoren: Andrea H. Japp
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l’appréhension de sa monture.

    Hardouin cadet-Venelle flatta Fringant, murmurant d’une voix apaisante à son oreille :
    — Tout doux, compagnon. Nous demeurons là, en tranquillité.
    Adelin d’Estrevers, encore davantage exaspéré par la présence du cavalier, tira brutalement sur les rênes, pour contrôler son cheval, ajoutant à sa nervosité. L’animal tenta de reculer, puis partit au trot et pila, ne sachant quelle attitude adopter face à cet autre mâle entier, qui ne bougeait pas.
    Plus loin, Fringant tourna la tête vers lui, rasséréné par la pression amicale mais ferme des mollets de son cavalier contre ses flancs, par sa main gantée qui caressait son épaule. Hardouin n’éprouvait aucune crainte, l’étalon le sentait.
    En dépit de l’allure saccadée et incertaine de son bai, Adelin d’Estrevers se rapprocha et cria :
    — Holà, l’homme ! Écarte-toi de mon chemin, à l’instant.
    Hardouin lui jeta un regard amusé, sans daigner répondre, ni réagir.
    L’espace d’un instant, le grand bailli d’épée songea qu’il avait déjà rencontré ces yeux gris pâle, déroutants. Pourtant, il ne connaissait pas cet homme, qui paraissait très grand, d’une belle minceur musclée. Il remarqua les cheveux très bruns, mi-longs et ondulés. Le vif agacement qu’il ressentait l’empêcha de fouiller plus avant ses souvenirs, d’autant que son cheval, de plus en plus inquiet, menaçait de s’emballer.
    — Ôte-toi de mon passage, te dis-je ! C’est un ordre ! Sais-tu qui je suis ?
    — Certes, car je m’en voudrais d’une bévue. Adelin d’Estrevers, n’est-ce pas ?
    Un peu surpris, le bailli d’épée approuva avec arrogance :
    — Si fait. Seigneur grand bailli d’épée ! Tu comprends donc que mieux vaut ne pas me chauffer la bile, pesta-t-il.
    Hardouin se pencha à l’oreille de Fringant, murmurant à nouveau :
    — Ne bouge pas, mon tout beau. Empêche ton congénère d’avancer.
    D’un mouvement souple et puissant, il démonta et s’approcha de l’autre cavalier, un large sourire aux lèvres. Le cheval bai donnait de la crinière, soufflant et piaffant d’incertitude.
    Hardouin attrapa sa bride et tapa sèchement du plat de son autre main contre son poitrail, l’ordre claquant :
    — En garde !
    Un cri de guerre, de combat que l’animal reconnut. Un cri de massacre, de sang. Le cheval se cabra en hennissant d’affolement. Adelin d’Estrevers chut en poussant un juron sonore.
    Un sifflet d’Hardouin indiqua à Fringant de libérer le chemin. L’imposant étalon noir trottina vers un talus herbeux. Le cheval bai fonça droit devant.
    Hardouin s’approcha du grand bailli d’épée, humilié, furieux, qui tentait de se relever, empêtré dans son mantel 8 doublé de zibeline 9 . Il lui évoquait un gros scarabée malhabile.
    — Tu vas me le payer au centuple, feula Estrevers, rouge d’humiliation.
    — J’en doute, murmura l’exécuteur des hautes œuvres. C’est toi qui vas nettoyer ton ardoise 10 , vil scélérat. Debout et en garde !
    L’incompréhension se lut dans le regard bleu qui le fixait. Estrevers parvint à se redresser, essuyant dans un geste machinal son haut-de-chausses 11 maculé de poussière grisâtre.
    — Mais de quoi parles-tu l’homme ? Que veux-tu ?
    — Ta vie, certes pas grand-chose. Inutile donc de s’appesantir là-dessus. En garde, intima à nouveau Hardouin, en tirant son épée du fourreau. Adelin d’Estrevers, je t’accuse d’avoir commandité les tourments, viols et meurtres de moult enfants. Je te condamne à mort. Monsieur Justice de Mortagne, moi-même, a la charge de t’ôter la vie. Je ne t’en demande point le pardon devant Dieu puisque tu n’es plus mon frère en Jésus-Christ. Tu as bafoué le Divin Agneau en expédiant à son Père treize de Ses innocentes créatures qu’Il ne réclamait pas.
    Le grand bailli d’épée se souvint enfin de ce regard gris. Il se souvint également de la réputation d’excellence que s’était taillée le bourreau 12 * dans son art de souffrances et de mort. Il déglutit avec peine, toute insolence disparue.
    — Il s’agissait de politique ! tenta-t-il d’argumenter.
    — Est-ce ainsi que l’on nomme des meurtres abjects dans ton monde ? ironisa Hardouin. Diantre ! Bah, je ne suis qu’un simple bourreau, trop obtus pour comprendre les finasseries des grands. En garde, coquin 13 , vaurien. Ta mort ne sera pas douce.
    — Je suis fort
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