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En ce sang versé

En ce sang versé

Titel: En ce sang versé
Autoren: Andrea H. Japp
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riche, proposa le grand bailli que l’affolement gagnait.
    — Et moi, plus encore. Allons, l’homme, en garde te dis-je ! L’impatience me gagne. Es-tu bien lâche en plus du reste ? Puisque tu es condamné à mort, t’occire alors que tu refuses de te battre ne serait point déchoir.
    D’un geste mal assuré, Adelin d’Estrevers tira son épée du fourreau et se défit de son mantel qui glissa au sol. En dépit du froid de cette matinée hivernale, il transpirait. Soudain, il s’élança, lame brandie. Hardouin esquiva d’un saut léger et se tourna, la pointe de son épée filant vers son adversaire. Le grand bailli d’épée hurla en palpant son visage. Une longue balafre avait tranché sa peau de la tempe à la ligne de son maxillaire. Interdit, il regarda le sang goutter rapidement, rougir le cendal 14 safran de son gipon 15 .
    — Une chair bien tendre que la joue, commenta cadet-Venelle d’un air détaché, se fendant à nouveau.
    Sa lame transperça le genou gauche d’Estrevers, juste sous la rotule, lui arrachant un autre cri de douleur. Il se recula en claudiquant, abaissant sa lame.
    — Douloureux, mais moins que cela, n’est-ce pas ? s’amusa Hardouin.
    — Grâce, messire… j’implore grâce !
    — Au nom de quoi, de qui ? s’étonna le bourreau. De Dieu que tu as bafoué ? Bouffon, en plus du reste !
    En deux bonds, Hardouin fut sur lui et la pointe de la lame se ficha le long de son cou, évitant soigneusement les artères.
    Adelin d’Estervers lâcha son épée et s’écroula assis, sanglotant, le sang ruisselant sur ses cuisses.
    — Pitié… pitié… pour l’amour de…
    — Tais-toi ! ordonna Hardouin cinglant. Tu n’as plus le droit de prononcer le nom divin et encore moins d’invoquer Son amour ! Paltoquet 16 , pleutre, lamentable immondice !
    — Je… me repens, je me re… pens, je le jure… supplia Adelin d’Estrevers, la voix hachée, en joignant les mains en prière.
    — Qu’elle est plaisante, celle-là ! Sais-tu, au fond, ce qui nous sépare céans 17 , en cet instant ? Tu fais ce que tu peux et je fais ce que je dois.
    Hardouin rengaina son épée et tira sa dague effilée. Il passa derrière Estrevers et d’un geste brutal lui releva la tête vers le ciel. Un mouvement fluide, précis, circulaire. Le grand bailli d’épée gémit :
    — Non… non…
    — Chut, plus que quelques minutes. Vois ces enfants assassinés. Vois-les !
    Le sang dévala de la plaie précise qui encerclait la gorge du grand bailli d’épée. Hardouin leva le visage et ferma les paupières, adressant une muette prière aux âmes des petits martyrisés.
    Justice leur était rendue. Ils pouvaient enfin reposer.

    Hardouin cadet-Venelle relâcha le front de l’homme lorsqu’il sentit son corps s’alourdir et partir vers l’avant.
    Il le retourna, tira les bottes de feu le grand bailli d’épée, ses bagues, trancha les cordons de sa bourse de ceinture et récupéra son épée et son mantel doublé de zibeline. Il les jetterait en chemin pour le bonheur de celui qui trouverait cet inespéré butin.
    Un sifflet doux et bas. Fringant trotta à sa rencontre.
    Cadet-Venelle avait hâte de partir, de quitter cette forêt, d’oublier ce cadavre ensanglanté, non que sa vue le troublât le moins du monde. Le scélérat avait payé, alors que personne n’aurait eu le pouvoir, ou l’envie, de l’incriminer.
    Toutefois, Hardouin ne rêvait que d’une chose, penser encore et toujours à l’invraisemblable revenue de Marie de Salvin.

    Marie de Salvin, l’innocente agnelle qu’il avait poussée vers un brasier de justice. Celle qui ne lui avait plus quitté le cœur et l’âme, hantant ses jours et ses nuits. Marie de Salvin qu’il avait vue, tel un mirage, traînée par deux gens d’armes à cheval du bailli de Nogent-le-Rotrou. Marie entravée, accusée d’il ne savait trop quoi.
    La jeune baronne de Vigonrin, une ignoble enherbeuse 18 qui a failli pousser son fils à trépas , avait lâché la tavernière de la Hase Guindée où Hardouin logeait lorsqu’il séjournait à Nogent-le-Rotrou.
    Mais non, cette sidérante, bouleversante apparition n’était ni baronne, ni Vigonrin. Allons, il s’agissait de Marie, Marie de Salvin que l’amour d’Hardouin et ses incessantes prières avaient tirée du trépas. Il venait de retrouver Marie, par-delà la mort. La mort venait de la libérer. Jamais plus il ne la laisserait partir.
     
    La prophétie de la
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