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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys
Autoren: Chantal Touzet
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l’hiver », prétendait-il, et avec raison.
    L’ost royal arriva fin septembre, épuisé et
démoralisé, au marquisat de Juliers qui n’était autre que l’État du propre père
de Guillaume de Gueldre. Ce dernier vit d’un très mauvais œil s’installer
sur ses terres cette multitude vorace, telle une invasion de sauterelles. Très
fâché contre la folie de son fils, le marquis fit savoir à ce dernier qu’il le
déshéritait, à moins qu’il ne demande pardon au roi de France.
    Alors enfin, sous la double pression des menaces
de son père et de l’immense armée, le duc de Gueldre céda ; il
accourut de Nimègue, sa capitale, et demanda audience à Charles VI.
    Celui-ci le reçut sous sa tente où Guillaume fit
son entrée, toujours aussi étincelant. À genoux devant le roi, il lui jura que
ses clercs avaient trahi ses propos et qu’il n’avait jamais été dans ses
intentions de l’offenser. Charles se contenta d’une vague soumission où le duc de Gueldre
s’engageait à ne plus ennuyer la duchesse de Brabant et qu’à l’avenir, s’il
provoquait la France et lui déclarait la guerre, il l’en avertirait… un an à l’avance.
    L’on festoya ensuite en bonne amitié, et il ne fut
jamais question de ce défi soi-disant envoyé par le souverain. L’Argenté ne
voulait en aucun cas contrarier les bonnes dispositions de son hôte illustre, en
lui faisant remarquer qu’en matière de provocation, c’est tout de même lui qui
avait commencé le premier. Bourgogne, somme toute, continuait à bien s’en
sortir.
     
    Et l’oriflamme de Saint-Denis n’eut plus qu’à s’en
retourner, un retour qui ressembla cette fois à une débâcle.
     
    Encore une fois, Philippe le Hardi en traça l’itinéraire.
Au lieu de prendre tout droit par la plaine à travers le Brabant et le Hainaut,
l’armée française crocheta à nouveau par les Ardennes et le Luxembourg. Encore
une fois, le connétable Olivier de Clisson approuva avec complaisance et
laissa faire.
    Le ciel avait ouvert ses vannes d’automne, il
tombait à présent des trombes d’eau. Les rivières ardennaises s’étaient
gonflées, torrentueuses, il fallut construire des radeaux. La plus grande
partie du bagage s’embourba et se perdit, comme la vaisselle d’or de Charles VI
qui fut emportée par les flots, et des centaines d’hommes et de chevaux se
noyèrent dans la Meuse. Et pour comble, des bandes de mercenaires germaniques
ne cessaient de harceler la grande armée, enlevant pour rançon les chevaliers
qui s’écartaient ou s’attardaient.
    Après une étape des plus exténuantes dans la boue
des Ardennes, le roi, épuisé lui-même, fit halte dans un castelet où le
seigneur des lieux le reçut courtoisement, avec ses princes et officiers. C’est
avec soulagement qu’ils purent s’y défaire de leur crasse, s’y restaurer, s’y
réchauffer aux cheminées, et dormir enfin au sec dans des lits ou sur des
paillasses après maints bivouacs sous une pluie incessante.
    C’est alors qu’il fut jugé que le moral du roi
était assez bas pour mettre en œuvre la mystification si bien imaginée par
Isabelle, et que la présence de Pierre de Foissy aurait pu faire manquer. Le
cardinal de Laon en était l’interprète capital.
     
    Cette nuit-là, donc, le souverain reposait dans la
meilleure chambre du manoir ardennais, en compagnie de son grand chambellan
Guillaume de Chastel. L’aube n’était pas loin.
    Des chants liturgiques s’élevèrent soudain. Ils
étaient si faibles qu’ils semblaient venir de cet horizon lointain qui
tremblait au soleil levant. Ils s’enflèrent et approchèrent, si bien que le roi
s’éveilla.
    Les chants étaient derrière la porte. Charles VI
voulut se lever, mais Guillaume de Chastel, qui était du complot, l’en
empêcha.
    — Restez sur votre lit, gentil sire, et n’en
bougez surtout point. Je crois à quelque merveille.
    Les chants se turent et l’on toqua derrière la
porte.
    — Qui demandez-vous ? dit le grand
chambellan avec emphase.
    — Le roi ! lui fut-il répondu.
    — Qui demandez-vous ? répéta Chastel.
    — Le roi !
    — Qui demandez-vous ?
    — Le roi !
    Ainsi fut-il demandé trois fois. C’est par ce même
cérémonial que l’on était venu le chercher au matin de son sacre.
    Guillaume du Chastel ouvrit alors la porte
donnant dans un corridor où se tenait le cardinal de Laon, revêtu
somptueusement de tous les signes sacerdotaux, entouré
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