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Des rêves plein la tête

Des rêves plein la tête

Titel: Des rêves plein la tête
Autoren: Michel David
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promenade le
soir même.
     
    — C'est ben beau,
ça, dit Honoré, surpris de la voir si excitée par cette perspective, mais on le
connaît pas ce gars-là.
     
    — Mais p'pa, il reste
juste à côté depuis le commencement de l'été.
     
    — Je le sais,
mais on lui a jamais parlé, précisa le livreur de glace en entraînant sa bête
vers l'écurie. On verra ça tout à l'heure quand il viendra.
     
    Après le repas,
Laurette s'était mise à contempler son visage et sa coiffure dans le petit
miroir suspendu au-dessus de l'évier de la cuisine.
     
    — Est-ce que vous
me prêteriez votre rouge à lèvres, m'man ?
     
    — Il en est pas
question ! trancha sa mère, sévère. T'as pas besoin de ça à ton âge. Contente-toi
de te mettre un peu de poudre sur le nez, ça suffira... Je te fais remarquer
que ton père et moi, on n'a pas encore accepté que tu sortes avec ce garçon-là.
     
    — Ah, m'man !
supplia la jeune fille. Je suis pâle à faire peur.
     
    — Tu peux aussi
mettre un peu de rose à joues, mais pas trop, sinon tu vas avoir l'air d'un
clown.
     
    Sur le coup de
sept heures, Gérard Morin, endimanché, vint sonner chez les Brûlé.
     
    — Va lui ouvrir,
lui ordonna son père en train de fumer paisiblement sa pipe sur le balcon, à
l'arrière de la maison.
     
    Le jeune homme
retira son chapeau en entrant. Il semblait si intimidé que Laurette se crut
obligée de le rassurer.
     
    — Inquiète-toi
pas pour rien, lui chuchota-t-elle pendant qu'elle l'entraînait à travers la
maison. Ils sont ben fins tous les deux. Ils ont jamais mangé personne.
     
    Elle poussa la
porte moustiquaire et sortit à l'extérieur. Gérard, un peu pâle, se présenta
d'une voix chevrotante au couple, qui ne se gêna pas pour le scruter. Il
accepta avec reconnaissance la chaise offerte par Laurette avant d'expliquer le
but de sa visite aux parents de la jeune fille.
     
    — Elle a juste
dix-sept ans, tint à préciser Annette.
     
    — Mais je vais
avoir dix-huit ans cet automne, m'man, protesta sa fille.
     
    — C'est vrai
qu'il fait ben beau à soir, dit Honoré en se levant. On serait ben bêtes de pas
en profiter. Qu'est-ce que vous diriez si on allait tous les quatre passer un
bout de soirée au carré Bellerive? On regardera passer les bateaux sur le
fleuve.
     
    Le sourire de
reconnaissance des deux jeunes gens lui apprit à quel point ils étaient heureux
d'obtenir sa permission. Moins de cinq minutes plus tard, Gérard donnait le
bras à Laurette et le jeune couple marchait quelques pas devant les parents de
la jeune fille, en route vers le parc Bellerive situé rue Notre-Dame, entre les
rues Fullum et Poupart.
     
    Le petit parc
sillonné d'allées en terre battue donnait sur le port de Montréal. Quelques
années plus tôt, l'administration municipale avait vu à le doter de nombreux
bancs et même d'un édicule où on trouvait des toilettes publiques et une
fontaine. De nombreux érables matures assuraient à l'endroit une ombre
bienfaisante durant le jour.
     
    Pendant
qu'Annette et Honoré se reposaient sur un banc, les jeunes gens marchèrent
durant de longues minutes dans le parc, apparemment heureux de se raconter. A
leur retour à la maison un peu après neuf heures, Gérard Morin remercia les
Brûlé et les salua avant de prendre poliment congé.
     
    — Ça m'a l'air
d'un garçon ben élevé, se contenta de déclarer Honoré à sa femme au moment de
se mettre au lit.
     
    — Je sais pas
s'il va réinviter notre fille, fit remarquer Annette, mais ça lui apprend au
moins à se conduire comme une femme, pas comme un garçon manqué. T'as vu
comment elle se surveillait quand elle lui parlait? J'avais de la misère à la
reconnaître.
     
    — On s'énervera
pas tout de suite, conclut Honoré. Après tout, elle a juste dix-sept ans et
c'est la première fois qu'un gars l'invite.
     
    C'était peut-être
la première fois, mais ce ne fut pas la dernière. Les Brûlé découvrirent vite
que leur fille semblait plaire de plus en plus au jeune voisin, qui l'invita
régulièrement à des promenades durant tout le reste de l'été. Le couple allait
flâner au parc Bellerive ou alors près de l'énorme réservoir de gaz en
construction, rue Harbour, à la hauteur de la rue Logan. Selon certains, cet
immense réservoir couronné d'une sorte de damier rouge et blanc allait être vu
de très loin tant il était imposant.
     
    Fort sagement,
Laurette se garda bien de parler de fréquentations tant à ses
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