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Dans le jardin de la bête

Dans le jardin de la bête

Titel: Dans le jardin de la bête
Autoren: Erik LARSON
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pouvoir un an de plus et poursuit au même rythme dans cette direction, cela contribuera grandement à faire de l’Allemagne un danger pour la paix mondiale dans les années à venir. »
    Il ajoutait : « À quelques exceptions près, les hommes qui dirigent ce gouvernement sont d’une mentalité que vous et moi ne pouvons comprendre. Certains sont des psychopathes qui, en temps normal, recevraient un traitement médical. »
    Cependant, l’Allemagne n’avait toujours pas d’ambassadeur américain en poste. Frederic M. Sackett, le précédent, était parti en mars, lors de l’entrée en fonction du nouveau président des États-Unis, Franklin D. Roosevelt (dont l’investiture eut lieu le 4 mars 1933)  5 . Depuis près de quatre mois, le poste était resté vacant et le nouveau titulaire n’était pas attendu avant trois semaines. Messersmith ne connaissait pas l’homme personnellement, il ne savait que ce qu’il en avait entendu dire par ses nombreux contacts au Département d’État. Ce qu’il savait, en revanche, c’est que le nouvel arrivant allait être plongé dans un maelström de brutalité, de corruption et de fanatisme, et devrait être un homme doté d’un caractère bien trempé, capable de faire valoir les intérêts et la puissance des États-Unis, car la puissance était tout ce que Hitler et ses sbires comprenaient.
    Or, on disait que le nouvel ambassadeur était un homme sans prétentions qui avait fait vœu de mener une vie modeste à Berlin par égard pour ses compatriotes, appauvris par le krach de 1929. Chose incroyable, il avait même embarqué  6  sa propre automobile – une vieille Chevrolet déglinguée – pour bien souligner la sobriété de sa nature. Et cela, dans une ville où les hommes d’Hitler circulaient dans des voitures noires géantes qui faisaient presque la taille d’un autobus.
    *  Tous les appels de note renvoient au chapitre Notes.

Première partie
    DANS LE BOIS
     

1
    L ES MOYENS
D’ÉVASION
    L e coup de téléphone  1  qui bouleversa définitivement la vie de la famille Dodd de Chicago eut lieu le jeudi 8 juin 1933 à midi, alors que William E. Dodd se trouvait dans son bureau à l’université de Chicago.
    À présent directeur du département d’histoire, Dodd enseignait depuis 1909 à l’université. Il jouissait d’une reconnaissance nationale pour son travail sur le Sud américain et pour une biographie de Woodrow Wilson. Il avait soixante-quatre ans, était svelte, mesurait un mètre soixante-treize et avait les yeux bleus et les cheveux châtain clair. Bien que son visage au repos eût tendance à donner une impression de sévérité, il avait en fait un grand sens de l’humour, pince-sans-rire et prompt à se déclencher. Il avait une femme, Martha, que tout le monde appelait Mattie, et deux enfants : sa fille, également appelée Martha, avait vingt-quatre ans, et son fils, William Jr – Bill –, en avait vingt-huit.
    À tous égards, c’était une famille heureuse et unie, nullement fortunée mais à l’aise, malgré la crise économique qui paralysait alors le pays. Ils habitaient une grande maison au 5757 Blackstone Avenue dans le quartier de Hyde Park, à Chicago, à quelques rues de l’université. Dodd possédait aussi  2  une petite ferme à Round Hill, en Virginie, dont il s’occupait chaque été, et qui, d’après le relevé cadastral, faisait « environ » 193,3 ha et où, en bon adepte de la pensée de Thomas Jefferson, le professeur se sentait vraiment chez lui, circulant parmi ses vingt et une génisses Guernsey, ses quatre hongres, Bill, Coley, Mandy et Prince, son tracteur Farmall et ses charrues Syracuse. Il faisait du café dans une boîte Maxwell posée sur le vieux poêle à bois. Sa femme n’aimait pas la ferme autant que lui, le laissait volontiers séjourner seul là-bas pendant que le reste de la famille restait à Chicago. Dodd baptisa la propriété « Stoneleigh *  », à cause de tous les cailloux qui parsemaient le terrain et en parlait de la façon dont d’autres hommes évoquent leur premier amour. « Les fruits sont si beaux  3 , presque sans défaut, rouges et luxuriants, tandis qu’on les contemple, les arbres ployant encore sous le poids de leur fardeau, écrivit-il lors d’une belle soirée pendant la récolte des pommes. Tout cela me plaît beaucoup. »
    Bien que peu enclin à utiliser des clichés, Dodd décrivit l’appel téléphonique comme
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