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Clopin-clopant

Clopin-clopant

Titel: Clopin-clopant
Autoren: Annie François
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la
température ambiante, les miasmes putrides ne l’incommodaient pas. Ce qui la
gênait, c’était l’odeur de tabac avec laquelle ses condisciples tentaient de
dominer les pestilences des cadavres en voie de décomposition.
    C’est en accompagnant parfois Pierre et maman sous le
cerisier où broutait une chèvre que je pris goût aux petites griottes noires. Après
le départ de maman, je continuai à fréquenter l’endroit. Inquiète de mes trop
longues stations au fond du jardin, ma grand-mère me demanda un jour de lui
rapporter les noyaux pour contrôler ma consommation. « Zont pas de noyaux,
bonne-maman. – Comment, pas de noyaux ? Allons voir ça. » Nous y allâmes.
Vu ma taille, je ne mangeais que les fruits tombés par terre. Je ramassai une
poignée de cerises, les mâchai et ouvris grand la bouche pour bien lui montrer
qu’il n’y avait pas l’ombre d’un mensonge. Ma grand-mère blêmit et me ramena à
fond de train vers la maison en m’enjoignant de me rincer la bouche, de me
laver les dents et de me rerincer la bouche. De la salle de bains, je l’entendis
dire à tante Madeleine : « Tu te rends compte, elle mange des crottes
de bique. – Germaine, arrête de te faire du mauvais sang. Elle en mange depuis
quinze jours et elle n’est pas malade pour autant. D’ailleurs, cette chèvre ne
mange que des cerises. – Tu n’as pas de cœur ! » Tantine, de sa
chambre, rajouta d’un air docte : « Elle est mithridatisée, maintenant. »
    Ainsi, indirectement, via la griotte de bique, fus-je
déjà victime de Nicot.

Robe à smocks et smoking
    Quand Tantine ne prenait pas ses quartiers chez Madeleine, son
ancienne élève d’anglais (au grand dam de la maisonnée, transformée en boîte à
bachot domestique), elle habitait à Auteuil, dans le même immeuble que ma mère.
On me déléguait volontiers l’honneur de la visiter. Sa première réflexion était :
« Ma pauvre petite, comme tu sens le tabac ! – Mais, Tantine, je ne
fume pas. – Mais ta mère fume et ta robe est imprégnée de cette odeur. »
Je reniflai mes manches qui fleuraient l’amidon. « Mais non, Tantine. – Alors
ce sont tes cheveux. » Je me moustachai d’une mèche (elle embaumait le
Dop-Dop-Dop aux œufs). « Allons, assieds-toi, ce n’est pas si désagréable.
Qu’as-tu appris cette semaine ? » Moi, toujours très à propos :
« Hier, Henriette nous a fait des cailles aux raisins et notre ami
hongrois s’est assis sur le plateau de fromage… – Ma chérie, je te demande ce
que tu as appris. – Maman m’a dit de ne jamais accepter un bonbon de quelqu’un
que je ne connais pas… – J’ai compris : il y a des chocolats sur la
commode, sers-toi. Dis-moi, ce n’est pas encore l’époque des cailles, si ?
– Je ne sais pas. En fait, Henriette a dit “oiseaux”. – Henriette est bonne
cuisinière, mais elle est très imprécise. » Moi, je savais qu’Henriette n’avait
aucun intérêt à être précise sur le nom et l’origine des oiseaux : elle
posait des collets au bois de Boulogne et pêchait à la ligne les pigeons qui
envahissaient la cour.
    « Dites, Tantine, un soir, avec maman, on a vu un
monsieur en smoking dans le couloir. Il y a un rapport entre une robe à smocks
et un smoking ?
    — Aucun. To smock, c’est
froncer. To smoke, c’est fumer.
    — Un smoking, c’est pour fumer ?
    — Non, pour sortir. À l’origine c’était une veste d’intérieur.
    — Une veste d’intérieur pour sortir fumer ?
    — Ah, tu m’embrouilles à la fin. Laisse-moi, maintenant.
Avant de partir, mets la fenêtre à l’espagnolette : la pièce sent le tabac. »

Nez à nez
    « Ma pauvre douce, tu sens le renfermé. Elle allait
bien, Tantine ? J’espère qu’elle ne t’a pas gavée de bonbons…
    — Elle m’a dit que je sentais le tabac.
    — Tantine est une enquiquineuse. Viens un peu ici que
je vérifie. »
    Je n’y tenais guère, ayant arrosé ma robe de son parfum dès
mon retour. Je m’esquivai dans ma chambre. Une heure plus tard, j’éternuai, le
nez titillé par une odeur suave et piquante. Papier d’Arménie. Dans sa chambre,
ma mère se battait avec une sorte de pot de fleurs tartignolle surmonté d’un
cône.
    « Qu’est-ce que c’est ?
    — Une lampe Berger.
    — Ça pue.
    — Chèvrefeuille. Ça ne peut pas puer.
    — Ça pue pas, mais ça sent.
    — Écoute, Tantine est une enquiquineuse, mais si elle
se plaint de cette odeur de
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