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Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini
Autoren: Patrick Girard
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en sortant de sa cabine. Il revoyait distinctement toutes
les étapes de leur voyage, depuis leur départ le 3 août de Palos, un
voyage ponctué de très rares incidents. Le plus notable avait été l’avarie du
gouvernail de la Pinta, conséquence sans nul doute d’un sabotage. Martin
Alonso Pinzon avait été le premier à soupçonner le propriétaire du navire,
Cristobal Quintero, qui ne se consolait pas d’avoir vu son bâtiment
réquisitionné pour une très longue expédition alors qu’il avait d’autres
projets. C’est sans doute pour cette raison qu’avec l’aide de quelques
complices il avait grossièrement saboté le gouvernail, prenant soin toutefois
de ne pas trop l’endommager, afin de ne pas avoir à supporter le coût de
réparations trop élevées. Pinzon n’avait pu réunir de preuves tangibles contre
lui, tout au plus des soupçons fortement encouragés par l’attitude de Quintero
qui gémissait sur ses prétendus malheurs et sur la perte de son navire, une
perte à laquelle il semblait s’être résigné.
    Cristobal n’avait pu que se féliciter de la loyauté dont
avait alors fait preuve Martin Alonso Pinzon. L’armateur avait réparé, avec des
cordages, le gouvernail et prévenu le commandant de la flotte que la Pinta parviendrait à rallier les Canaries. Là, il se faisait fort de trouver un bon
forgeron pour remplacer les pièces de métal endommagées. Si ce n’était pas le
cas, lui, Pinzon, savait que la veuve du gouverneur, Dona Inès Peraza,
possédait une bonne nef galicienne qu’il serait possible de réquisitionner. Il
n’y avait donc rien à craindre, l’expédition n’était pas réellement menacée.
    Voilà qui avait rassuré Cristobal, pour lequel l’escale aux
Canaries était une décision risquée. Il savait que de nombreux capitaines
hésitaient à s’arrêter dans cet archipel par crainte de voir les désertions se
multiplier à bord de leurs navires, avec l’encouragement tacite des autorités
locales. Ces rumeurs, il les avait souvent entendues à Lisbonne et à Cordoue,
propagées par des hommes envers lesquels il avait toute confiance. Ils étaient
unanimes à décrire sous les traits les plus noirs Dona Inès Peraza, une femme
qui avait été jadis très puissante et qui rêvait de le redevenir. Elle avait
été, un temps, la maîtresse du roi Ferdinand d’Aragon et c’est à grand-peine
que la reine Isabelle avait obtenu son départ de la cour après qu’elle se fut
rendue coupable d’insolence à son égard. Elle avait été exilée aux Canaries dont
elle avait séduit et épousé le gouverneur. Devenue veuve, elle administrait ses
biens avec intelligence et opiniâtreté, ne songeant qu’à ses intérêts.
    Pour pallier le manque chronique de main-d’œuvre non
servile – les esclaves ne manquaient guère, naturels de l’île, les
Guanches, ou Noirs de Guinée –, elle accueillait tous les déserteurs, que
ses intendants avaient ordre de cacher tant que leurs navires étaient à l’ancre
dans le port. Employés comme contremaîtres sur ses domaines, ils étaient très
dociles puisque sans cesse à la merci d’une dénonciation de la part de leur
maîtresse.
    Cristobal en fit l’expérience à ses dépens. Dona Inès
n’appréciait guère l’envoi d’une flotte sur la mer Océane. Pour elle, Cypango
risquait de supplanter les Canaries et c’était la pire chose qui pouvait lui
arriver. Elle n’était donc pas le moins du monde disposée à l’aider. Dès que la Santa Maria, la Pinta et la Niña avaient été signalées,
elle s’était empressée d’embarquer à bord de sa nef pour se rendre à Lanzarote,
une île éloignée de La Gomera. Cristobal avait préféré ruser. Il avait envoyé
un pêcheur porter un message à Dona Isabel, l’informant qu’il devait lui
remettre un courrier royal. Croyant qu’il s’agissait de l’accord donné à sa
demande de retour à la cour, elle avait fait voile vers La Gomera mais avait
déchanté en constatant que ce fameux courrier était un sec rappel par Luis de
Santangel des sommes qu’elle devait au Trésor d’Aragon.
    Cachant son dépit, elle avait offert à Cristobal et aux
autres capitaines et pilotes un somptueux dîner, et de grossières et rustiques
réjouissances aux marins. Elle avait espéré que certains d’entre eux
succomberaient aux charmes des beautés locales. En vain. Aucune désertion
n’avait été enregistrée, phénomène pour le moins exceptionnel, comme
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