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Chasse au loup

Chasse au loup

Titel: Chasse au loup
Autoren: Armand Cabasson
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état de rejoindre ta compagnie pour l’instant. De toute façon, le pont nous reliant à la rive autrichienne est à nouveau coupé. Et quand on l’aura réparé, nos maréchaux préféreront faire passer les régiments qui n’ont pas encore combattu, plutôt que des groupes hétéroclites et désorganisés d’éclopés qui ne savent même pas où se trouve leur bataillon.
    Jean-Quenin haïssait toutes ces formalités administratives dont l’armée se montrait si friande. Il prenait un malin plaisir à les tourner en ridicule en s’y conformant à la lettre. Il griffonna donc une lettre illisible qui chargeait Margont de parcourir les environs afin de se livrer à des réquisitions pour le compte du Service de santé des Armées : linge pour faire de la charpie, vivres, eau-de-vie...
    — Mais ce n’est pas parce que ta blessure est légère que tu dois faire n’importe quoi, ajouta-t-il.
    Comme Margont ne l’écoutait déjà plus, il donna une tape sur la plaie de son ami qui pâlit. Une démonstration très convaincante.
    — Alors ménage tes forces. Je te prête l’un de mes chevaux, tu te fatigueras moins.
    Margont le remercia chaleureusement et enfourcha la monture qui, irritée par les tirs d’artillerie de plus en plus impérieux, piaffait et renâclait. L’homme qui avait retrouvé Wilhelm se nommait Bergen et enseignait dans l’orphelinat qui accueillait l’adolescent. Il convainquit Luise Mitterburg de ne pas les accompagner. Celle-ci et ses deux domestiques ne les suivirent que jusqu’à la rive ouest, empruntant le grand pont que des pontonniers consolidaient aussi vite que possible en attendant qu’un autre tronc d’arbre le détruise à nouveau. À peine arrivée sur la berge, la jeune Autrichienne s’éloigna à pas rapides. Elle réalisait enfin la nouvelle que l’on venait de lui apprendre. Elle parvenait encore à contenir sa peine, mais pour combien de temps ? Or elle ne voulait pas que Margont voie ses larmes. Elle disparut au milieu d’une foule de femmes. Rongées par l’inquiétude, celles-ci l’assaillaient de questions qui demeureraient sans réponse.

 
    CHAPITRE IV
    Onze cadavres étaient disposés sur le bord de la route reliant Vienne au village d’Ebersdorf. Sous le soleil, les émanations envahissaient l’air et amenaient l’estomac au bord des lèvres. Trois hommes étaient lacérés, zébrés de larges balafres. On reconnaissait là l’ardeur véhémente des hussards. Quelques-uns ne présentaient pas de blessure apparente et contemplaient le ciel avec leurs yeux trop immobiles. Presque tous arboraient le manteau gris à parements rouges de la milice. L’armée française, se trouvant fort avancée en territoire ennemi, voulait protéger ses arrières, en particulier ses voies de communication. Certains officiers se montraient donc redoutables avec les espions, les civils organisant des embuscades et les soldats combattant dans le dos de leurs adversaires.
    Bergen désigna Wilhelm. Une balle l’avait frappé en pleine poitrine. Sa veste verte rapiécée était souillée de sang séché. Margont remarqua en dernier l’élément le plus voyant. Comme si son esprit s’était ponctuellement rendu aveugle à ce « détail ». Une mutilation défigurait l’adolescent. On lui avait élargi le sourire au couteau, d’une oreille à l’autre. Il semblait s’esclaffer d’un rire dément, absurde, atroce. Cette illusion, si réelle, presque « vivante », niait sa mort. Pourtant, déjà, la décomposition attaquait le corps. Margont détourna le regard. Un lieutenant en second montait la garde avec deux sentinelles. Ayant reconnu Bergen, il se plaça face à l’encolure du cheval de Margont, salua et lança aussitôt :
    — Aucune transaction. Les dépouilles des partisans et des rebelles restent exposées pour l’exemple !
    Avec son visage triangulaire et son ton vitupérant, il évoquait une vipère que l’on aurait dérangée.
    — Capitaine Margont, 18 e de ligne, brigade Ledru, division Legrand. Des proches souhaitent récupérer le corps de ce garçon au visage mutilé.
    — Il leur faudra d’abord passer sur le mien ! répliqua immédiatement le sous-lieutenant.
    Margont en eut presque envie. Il suffisait de lancer son cheval en avant... Bergen intervint.
    — J’étais l’un des enseignants de ce jeune homme. Je vous assure qu’il n’a jamais fait de mal à quiconque. Il était orphelin ! Ne croyez-vous pas qu’il a assez
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