Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Chasse au loup

Chasse au loup

Titel: Chasse au loup
Autoren: Armand Cabasson
Vom Netzwerk:
capitaine, que proposez-vous ?
    — Les prisonniers sont rassemblés...
    — Je m’y suis déjà rendue.
    Cette façon qu’elle avait de le bousculer irritait Margont et le séduisait à la fois.
    — Pourquoi regardez-vous sans cesse dans cette direction ? interrogea-t-elle en indiquant Aspern.
    Les bois alentour dissimulaient le village en ruine, mais de grosses colonnes de fumées blanches ou noires signalaient sa présence. Cette Autrichienne se montrait bien perspicace.
    — Hier, je me trouvais là-bas, répondit Margont. J’y ai reçu ma blessure. Mes amis y sont probablement toujours. Tout a pourtant été détruit, je me demande ce qui peut bien continuer à flamber.
    — Quand la guerre a tout ravagé, il faut encore qu’elle brûle les cendres.
    Luise s’adossa à un arbre. Une pellicule de sueur recouvrait son visage. La chaleur écrasait les lieux et la vision des blessés rendait l’atmosphère plus suffocante encore.
    — Je ne vais jamais le retrouver. Qui se soucie d’un orphelin alors que la guerre plonge le monde dans le chaos ?
    — Moi, répliqua Margont.
    Elle rit. Il était impossible de savoir si c’était par moquerie ou pas.
    — Pourquoi donc ?
    Margont hésita. Puis il en dit plus qu’il ne l’aurait voulu.
    — Parce que, à une époque, d’une certaine manière, moi aussi, je me suis retrouvé orphelin.
    C’était trop ou trop peu. Pourtant, Luise répliqua de façon déroutante :
    — Cela ne m’étonne pas. Je l’avais deviné.
    Son visage blêmit. Elle oublia l’existence de Margont et se dirigea vers un homme grisonnant qui errait parmi les blessés en tentant d’éviter de les voir. Avec ses yeux rougis par les larmes et ses vêtements noirs, il évoquait un corbeau de mauvais augure. Quand il l’aperçut, il secoua tristement la tête.
    — Il est mort, annonça-t-il en autrichien. Ce n’est pas la guerre. C’est un meurtre.
    — Nous nous en doutions, non ? répondit-elle avec un aplomb surprenant.
    — Des soldats français gardent sa dépouille. Ils posent des tas de questions et ils ne veulent pas nous remettre le corps. Ils pensent que c’était un espion ou un partisan. Pis encore, ils exposent son cadavre près d’Ebersdorf.
    — Leurs insuccès militaires les rendent agressifs et stupides. Ils...
    Elle s’interrompit. Il venait de lui venir à l’idée que Margont pouvait comprendre l’autrichien. Belle intuition. Quoiqu’un peu tardive... Elle se tourna vers lui et, inclinant légèrement la tête sur le côté, elle déclara d’une voix affable, en français :
    — On vient de m’apprendre que Wilhelm a été retrouvé. Juste à côté d’ici. Hélas, il...
    Elle avait du mal à poursuivre. Margont lui épargna cela.
    — Je parle votre langue.
    Loin d’être gênée par cette annonce, elle enchaîna :
    — C’est un bien grand malheur de ne pouvoir ensevelir ce garçon en terre consacrée. Je sais que j’abuse, mais peut-être que vous, un officier, vous pourriez nous aider à régler ce malentendu en discutant avec les autorités de votre armée. Nous souhaitons seulement comprendre ce qui s’est passé et lui offrir une sépulture décente. Je vous en prie...
    Elle tentait de l’amadouer en jouant les jeunes femmes frêles et désemparées. Or Margont était persuadé de deux choses : elle n’était ni frêle, ni désemparée. Il s’exhorta intérieurement à refuser, puis il céda sans même comprendre pourquoi.
    — Je vais faire mon possible.
    — Je vous remercie mille fois, s’empressa-t-elle d’ajouter afin de sceller cette promesse.
    Margont rejoignit Jean-Quenin Brémond en se maudissant. Cette femme l’avait manipulé ! Et que pour-rait-il bien leur dire, aux « autorités de son armée » ? Ah, elle l’avait bien eu, mais le pire, c’était qu’il avait capitulé devant elle en toute connaissance de cause. Par ailleurs, le mot « meurtre » avait été prononcé. Cette histoire prenait une ampleur imprévue.
    Il demanda à Brémond de lui rédiger un sauf-conduit, afin qu’on ne le prenne pas pour un déserteur. Une balle avait failli lui percer le ventre, inutile de risquer d’en ajouter une douzaine d’autres délivrées par un peloton d’exécution.
    — Cela ne sera pas long, expliqua-t-il. Je pense que je ne suis pas en état de me battre, mais je peux me déplacer...
    Jean-Quenin Brémond acquiesça.
    — Cesse de m’importuner avec ta culpabilité : tu n’es pas en
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher