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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue
Autoren: Alain Decaux
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sont vingt-quatre. Il règne une telle humidité que, dans l’escalier, les murs ruissellent. Quand, à 10 h 55, l’empereur paraît, l’abri s’est mué en bain turc.
    Hiro-Hito, ganté de blanc, porte un uniforme d’une remarquable simplicité. Devant un paravent de bois doré, à l’extrémité de la table recouverte de brocart d’or, il prend place sur une chaise identique à toutes les autres.
    La voix de Suzuki tremble quand il présente ses excuses à l’empereur « pour s’être permis de faire encore appel à lui, afin de guider son peuple à l’heure des épreuves ». Il expose les incroyables difficultés dans lesquelles il se débat. Il ne cache pas que l’Armée ne veut pas de la paix. D’ailleurs, c’est aux militaires qu’il va se permettre de donner la parole.
    Anami et Umezu, l’un et l’autre à bout de forces et en proie à une émotion intense, parlent les premiers. Où leurs belles convictions se sont-elles enfuies ? On se perd dans leurs propos confus. Toyoda va se révéler le meilleur porte-parole des bellicistes. C’est avec talent qu’il plaide la cause de la guerre :
    — La souveraineté de l’empereur doit être maintenue. Le territoire national ne doit pas être occupé. La clause selon laquelle le peuple japonais sera libre de déterminer lui-même la forme future de son gouvernement est on ne peut plus dangereuse et sapera toutes les traditions japonaises.
    Que peut-on dire de plus ? Suzuki se tourne vers l’empereur et le prie révérencieusement de bien vouloir prendre la parole. Dès les premiers mots, Hiro-Hito ne songe pas à cacher son émotion. Les participants se souviendront toujours de telle ou telle autre de ses phrases :
    — Lorsque j’ai recommandé l’acceptation de la proclamation de Potsdam, je l’ai fait après avoir mûrement considéré la situation aussi bien intérieure qu’extérieure…
    C’est alors que l’empereur s’est mis à pleurer :
    — Je ne pense pas que je doive maintenant changer ma décision. Je crois qu’il est impossible de poursuivre la guerre plus longtemps…
    Les larmes sont communicatives. Tous les hommes réunis dans l’abri pleurent. L’empereur remercie l’Armée pour sa fidélité, son héroïsme. Essayant de recouvrer son sang-froid, il poursuit :
    — Plus de cent villes ont été détruites par les bombardements. Les raids ont fait des centaines de milliers de morts, et des millions de malheureux parmi mes sujets.
    Des sanglots le secouent de nouveau. Il hoquette :
    — C’est au peuple que je songe… Je ne peux plus voir se prolonger ses sacrifices.
    Essuyant ses larmes, il parle d’un « nouveau Japon », de la paix entre les nations.
    — Quoi qu’il puisse m’arriver à moi-même, je suis prêt à supporter l’insupportable… Je mets fin à cette guerre de ma propre autorité.
    Dans l’abri, les sanglots ont redoublé. Certains sont tombés à genoux et crient leur douleur. C’est à peine s’ils s’aperçoivent que l’empereur a quitté la pièce.
     
    13 heures.
    À l’unanimité, le Conseil des ministres décide d’accepter la note alliée et d’implorer le pardon de l’empereur. Les dirigeants de la Radiodiffusion sont informés que l’empereur va enregistrer une déclaration qui sera diffusée le lendemain.
     
    À la même heure, le major Hatanaka et le lieutenant-colonel Shiizaki, du ministère de la Guerre, décident de passer à l’action. Leur plan ? Hatanaka va l’exposer au lieutenant-colonel Ida :
    — Je veux procéder à l’occupation des ministères de la Maison impériale et couper le palais de tout contact avec l’extérieur. Nous pourrons alors concentrer tous nos efforts à aider l’empereur à sauver le Japon. Nous avons déjà établi une liaison avec la division de la Garde impériale. Il suffit qu’une poignée d’officiers se soulève pour que l’Armée les suive. Je ne doute pas un instant que nous ne réussissions dans notre entreprise. Le ciel nous protégera.
     
    20 h 30.
    Dans une nuit de plus en plus lourde, de plus en plus accablante, une brume épaisse s’est abattue sur Tokyo. Pour autant, l’air n’en a pas été rafraîchi.
    La voiture du général Anami s’arrête devant son ministère. Grand est son étonnement lorsqu’il constate qu’aucune sentinelle ne se tient devant le grand portail. Il sort de sa voiture et gagne à pied l’entrée du bâtiment principal. D’ordinaire, une garde s’y trouve.
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