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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue
Autoren: Alain Decaux
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13 juin 1942, l’ambassadeur de Pologne à Moscou reçoit un mémorandum officiel déclarant définitivement que les officiers polonais ont été libérés et que, dans ce cas, ils sont rentrés chez eux, à moins qu’ils ne soient décédés en traversant l’URSS « de manière inorganisée ».
    Au moins les autorités soviétiques vont-elles reconnaître qu’elles disposent de l’identité de tous les prisonniers polonais tombés aux mains de l’Armée rouge ? Au cours d’une ultime entrevue avec Vychinsky le 8 juillet 1942, Kot réitère sa certitude : chaque officier prisonnier a été longuement interrogé par le NKVD et a fait l’objet d’un dossier. Comment ne pas croire à l’existence de listes concomitantes ?
    Réponse de Vychinsky :
    —  Malheureusement, nous n’avons pas de telles listes .
    Kot sera désormais, sans illusion. Faut-il frapper à d’autres portes ? Czapski le pense. Il se fait recevoir par un écrivain illustre, Ilya Ehrenbourg, qui l’accueille dans sa résidence du luxueux hôtel Moskva mais se refuse non seulement à toute intervention mais à la seule expression d’une compassion. Amer – comme on le comprend ! – Czapski est sorti de l’entrevue avec le sentiment de se trouver de nouveau « devant ce mur de pierre qui ne laisse percer nul gémissement humain, à moins que, du point de vue politique, ce gémissement puisse être exploité  (10)  ».
     
    Imprévisiblement, à la même époque, une information singulière va parvenir aux oreilles du même Czapski. Trois officiers polonais viennent lui confier les détails d’une entrevue à laquelle ils ont assisté en octobre 1940. Ils révèlent qu’un certain nombre d’officiers polonais, enfermés à la Lubianka et à Boutyrki, ont alors reçu de l’autorité soviétique une proposition inattendue : il s’agissait, en cas de conflit avec l’Allemagne, de former une armée polonaise qui combattrait dans les rangs de l’Armée rouge. Le moment n’était pas mal choisi. Le moral des prisonniers se trouvait alors profondément atteint : l’alliance entre Hitler et Staline paraissait sans faille. Progressivement l’Europe passait sous la domination des nazis, la France elle-même annonçait sa volonté de collaborer avec l’Allemagne. Si les officiers polonais, en grande majorité, se sont raidis contre la proposition soviétique, quelques-uns ont accepté de s’y rallier. C’est ainsi que le colonel Berling a proposé la formation d’une division blindée polonaise  (11) . On l’a si bien pris au sérieux qu’il a été reçu par Lavrenti Beria, chef suprême de la police politique et ministre de l’Intérieur, et Merkulov, responsable du NKVD. C’est cette entrevue que les trois officiers qui en avaient été témoins sont venus relater à Czapski. Berling a défendu avec fougue son projet et déclaré que le problème des cadres était résolu :
    — Nous en avons d’excellents dans les camps de Starobielsk et de Stobielsk !
    Beria a répondu :
    — Non, pas ceux-là.
    Et Merkulov a ajouté :
    — Nous avons commis à leur égard une lourde faute.
    Une lourde faute. « Cette phrase, écrira Czapski, me fut répétée mot à mot par les trois témoins qui avaient assisté à l’entrevue. » Sans perdre un instant, Czapski décide d’informer Anders. Or celui-ci est alors confronté au plus dur combat de son existence. En autorisant la formation, sous son commandement, d’une armée polonaise, Staline en a fixé les effectifs à sept divisions auxquelles pourrait s’ajouter un régiment de réserve. Il vient de faire savoir qu’il faut revoir les effectifs à la baisse. Son explication : les États-Unis n’ayant pas livré les contingents de blé annoncés, il a besoin d’une main-d’œuvre plus abondante en Union soviétique. II estime les Polonais plus utiles chez lui que sur un front extérieur. La vérité est tout autre : ayant appris à comprendre le caractère polonais, il redoute que cette masse décidément incontrôlable – désormais il en est sûr – pourra un jour constituer un danger pour l’Union soviétique.
    Les soldats accourus avec tant de peine s’engager dans l’armée Anders vont-ils s’en retourner dans les mines du Grand Nord, dans les forêts de Sibérie, partout où règne le travail forcé ? Anders refuse cet esclavage « pire que la mort ».
    Avec une énergie centuplée, il fait front. Au cours d’une audience qui dure une
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