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C'était de Gaulle - Tome II

C'était de Gaulle - Tome II

Titel: C'était de Gaulle - Tome II
Autoren: Alain Peyrefitte
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autres, on laisse le terrain à l'hésitation, on perd son temps et on finit par se dégonfler.
    « En 61, quand les Russes ont commencé à édifier le Mur de Berlin, on pouvait agir aux premières heures. Le général qui commandait notre garnison m'a averti à Colombey que les Russes étaient en train d'installer des réseaux de barbelés. Je lui ai dit aussitôt : "C'est contraire au statut de Berlin et aux accords interalliés ! Il faut écraser immédiatement ces barbelés avec des chars." Il s'est concerté avec ses collègues américains et anglais, qui n'ont rien voulu faire sans ordres supérieurs. J'ai essayé de trouver Macmillan, il chassait la grouse. On a cherché vainement Kennedy, il faut dire que c'était un dimanche d'août. La journée s'est passée. La construction allait bon train. Ils se sont dégonflés ! S'ils m'avaient suivi dès le matin, il n'y aurait pas eu de Mur de Berlin. »

    Conseil du 30 janvier 1963.
    La tempête soulevée par la conférence de presse du 14 fait rage. Mais le Général ne s'intéresse plus à ces péripéties : c'est du passé. Pompidou fait des gammes sur le thème de l'impérialisme économique :
    « L'Amérique a développé longtemps son industrie par son marché intérieur. Maintenant, son expansion n'est plus possible que par le marché extérieur. Mais, après les pays sous-développés qui ne paient pas, elle est obligée maintenant de vendre à des gens qui paient. (Couve aurait dit : à "des pays solvables" et "insolvables". Pompidou a cela de commun avec le Général, de parler le langage de tous les jours — la gouaille en moins.)
    GdG. — C'est une phase de l'impérialisme économique des États-Unis. Il faut maintenir nos affaires en ordre, pour ne pas prêter le flanc aux pressions de cet impérialisme. »

    « Nous sommes les porte-parole de deux cents millions de muets »
    Au Salon doré, le Général me dit après le Conseil :
    « Les États-Unis seraient dans une situation difficile, si nous ne leur servions pas de trop-plein.
    « Tout se tient. Il faut avoir une vision du monde cohérente. La nôtre suppose la non-dépendance. Nous devons avoir la disposition de nous-mêmes. Cela n'empêche pas de coopérer, ni de faire des affaires avec les autres. L'essentiel, c'est que nous prenions nos décisions nous-mêmes, sans laisser à personne le droit de nous les dicter.
    AP. — Sans l'appui du reste de la Communauté européenne ?
    GdG. — L'Europe manque de volonté politique. Même les Français sont tentés par un nouveau Munich. Tout accepter, c'est, pour des politiciens, le seul moyen d'éviter une tension dont ils pourraient être rendus responsables. On sacrifie l'avenir au présent, parce qu'on ne sait pas dire non. Encore et toujours, se rouler aux pieds des Américains, comme entre les deux guerres on se roulait aux pieds des Anglais, comme Vichy s'est roulé aux pieds des Allemands.
    AP. — Vous pensez que les Six pourraient parler d'égal à égal avec les Américains ?
    GdG. — Parmi les Six, seule la France peut avoir une politique étrangère. Les gouvernements d'Italie, Belgique, Hollande, Luxembourg n'imaginent même pas d'en avoir une ; l'Allemagne est infirme. Leur population, leur jeunesse, aspire à autre chose, mais leurs politiciens restent sourds à ces aspirations. Les peuples voudraient bien relever le front, mais ils ne le peuvent pas parce que leurs dirigeants les trahissent.
    « Nous sommes le seul État à pouvoir tenir tête aux Américains.
    En fait, nous sommes les porte-parole de deux cents millions de muets, qui nous sont secrètement reconnaissants de parler à leur place. »
    La légitimité de sa parole, de Gaulle la fonde toujours sur les masses.

    Matignon, jeudi 28 février 1963.
    Pompidou nous résume l'entretien d'Habib-Deloncle 10 avec le Chancelier autrichien à Vienne : « Kreisky lui a déclaré : "Un grand pays doit présenter trois caractéristiques. Avoir une économie saine : c'est le cas pour vous. Avoir une idée politique nette : vous êtes un des rares dans ce cas. Jouir de la sympathie des autres : cette troisième condition, vous ne la remplissez pas ; comment voulez-vous faire une grande politique étrangère, si les pays anglo-saxons vous détestent ?" »
    Pompidou raconte cet entretien avec ironie. Mais je parierais que, si Habib rapporte les propos de Kreisky au Général, celui-ci inversera brutalement le troisième critère : « l'idée politique nette », c'est justement de ne pas
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