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C'était de Gaulle - Tome II

C'était de Gaulle - Tome II

Titel: C'était de Gaulle - Tome II
Autoren: Alain Peyrefitte
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vaste univers, tout cela ne s'est fait que par une série de coups de force. Qu'il s'en aille, et tout sera emporté. La IV e est toujours là, aux aguets derrière la moindre erreur. Et les Américains, et les tenants de l'Europe médiocre, et ces bourgeois rancuniers (il avale une gorgée d'un vin précieux) qui le haïssent, ils attendent tous, comme des vautours qui tournoient patiemment en attendant que la bête se couche pour mourir.
    AP. — Il faut consolider, sans doute. Il a bâti sur le sable, certes. Mais est-ce bien une tâche pour lui ? Il n'y est pas indispensable. Nous sommes condamnés à entrer dans le temps des gestionnaires. Un Pompidou ferait très bien l'affaire. Il donnerait justement lesentiment que tout cela n'était pas seulement extraordinaire, mais peut devenir notre ordinaire. Et puis, je vous le répète, si le Général se confine dans des tâches de consolidation, il va s'ennuyer. Et s'il s'ennuie, il ne sera plus lui-même.
    Malraux. — Je ne dis pas que Pompidou ferait mal, mais je sais que le Général aura envie de le faire lui-même. Vous oubliez que ce sont ses œuvres, et qu'il peut être tenté de penser qu'il est le mieux placé pour les faire durer. Et puis, ne sous-estimez pas sa capacité de forger du neuf. À chacune de ses conférences de presse, tout le monde se demande ce qu'il va encore inventer. Il est l'homme à voir des tâches à accomplir là où, vous et moi, ne verrions rien. Le 18 Juin, c'est ça. Les autres ne voyaient qu'un trou noir, et des façons de s'arranger le moins mal possible avec le malheur. Lui, il a vu ce que personne ne voyait, ne pouvait voir. Il a vu « la flamme », la résistance, la présence dans la victoire. Faites confiance à son imagination. Elle n'est jamais en repos. Voudrait-il s'arrêter, par des considérations de prudence, qu'il ne pourrait pas. Il reprendra le bâtiment en sous-œuvre, il y ajoutera des ailes nouvelles, de nouvelles façades. Et dans le même souffle, il ne cessera pas de nous étonner. Il partira en croisade pour des causes que ni vous ni moi ne pouvons deviner aujourd'hui. Il n'a jamais attendu que l'Histoire vienne à lui. Il la suscite, il la provoque, il la fait. Détrompez-vous, il ne nous décevra pas. Il ne s'ennuiera pas, et il ne nous laissera pas le temps de nous ennuyer ! »
    Cette aventure, qui tire la sienne, l'envoûte. D'un déjeuner à l'autre, la question d'une nouvelle candidature en 1965 se fera plus insistante. Mais je le trouverai toujours dans la même disposition d'esprit. Il ne se demande pas s'il « vaudrait mieux » que le Général se retire, ou poursuive. La seule question qui l'intéresse est : « Que va faire de Gaulle ? A-t-il en lui l'envie de continuer ? S'il a cette envie, il sera toujours le de Gaulle qui tient la France vivante à bout de bras. » Dans la bouche de Malraux, j'ai toujours entendu la certitude que tel serait le cas en 1965.
    Il appréciait Georges Pompidou, sa loyauté exemplaire, son intelligence sûre, sa finesse dans le bon sens, son énergie sans esbroufe, sa singularité dans le paysage gaullien. Mais tant que le Général se voulait de Gaulle, ce n'était même pas la peine de penser à un successeur.
    Pourquoi a-t-il pu, selon le témoignage que m'a donné Michel Debré, donner une impression différente au Général lui-même, lors d'un dîner à l'Élysée aussi mystérieux que célèbre 2 ? Peut-êtrequ'en sollicitant le conseil, à propos d'un second septennat éventuel, de quatre proches — Debré, Pompidou, Palewski et Malraux — le Général mit justement ce dernier dans une situation à laquelle il n'était pas préparé. Si le Général posait cette question, c'est qu'il doutait. Dès lors, dans sa complète loyauté, Malraux n'aura pas voulu, en plaidant pour ou contre la candidature, se mettre dans le cas de peser sur la liberté de décider de De Gaulle. C'était au Général de trouver en lui-même, et seul, sa réponse. Par définition, elle serait la bonne, puisqu'elle exprimerait son énergie intérieure.
    On sait quelle fut la réponse. Décidément, Malraux avait eu raison : 1963, 1964, 1965, pendant ces trois années, de Gaulle n'allait pas cesser de nous étonner, d'étonner la France, l'Europe, le monde. Et c'est au nom de l'œuvre accumulée qu'il voulut renouveler son contrat avec la France, en prenant le risque, cette fois, de faire signer ce contrat par le peuple français sous le déferlement des critiques de cinq autres
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