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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3
Autoren: Alain Peyrefitte
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dimension à l'action de l'État. Il n'y a que vous qui puissiez donner à cette entreprise le style et la grandeur qu'il faut. L'Information, c'est trop étriqué pour vous. Soustelle pourrait s'en charger.
    « Je m'arrête, j'attends avec un peu d'inquiétude la voix du silence. Malraux se tait. Il rêve déjà de l'horizon qui s'ouvre. Il parle ; il voit, il s'enthousiasme... et le voilà ministre des Affaires culturelles pour, mon Dieu, oui, huit ans déjà... »
    Ainsi, au-delà de l'astuce, Pompidou avait eu l'une de ces intuitions rapides et précises que le Général appréciait tant en lui. Car seul Malraux pouvait arracher ce qui n'avait jamais été qu'un secrétariat d'État aux Beaux-Arts à la médiocrité de ses budgets et à l'étroitesse de ses habitudes.
    Au dessert, Pompidou s'interroge : « Comment se fait-il que de Gaulle ait été un élève très ordinaire ? À quinze ans et même à dix, il se voyait déjà voué à une destinée exemplaire et il n'était pourtant qu'un collégien rien moins qu'exemplaire. Comment est-ce possible ? C'est une de mes grandes surprises. Il est vrai que ce n'est pas la seule... »
    Celui qui a collectionné les prix d'excellence ne comprend pas que le plus grand homme qu'il ait rencontré n'en ait pas fait autant.

    Pompidou : « Il commence à perdre ses illusions »
    Après le déjeuner, Pompidou m'emmène dans sa voiture pour regagner Matignon. Il me dit à voix basse : « Le ballottage a porté un coup terrible au moral du Général et à ses convictions. Pour le moral, il s'en est déjà à peu près relevé, après avoir été pendant quelques jours K.O., au point de ne pas vouloir se maintenir au second tour. Maintenant, après les vacances de Noël, ça va à peu près. Il sait bien qu'il ne restera pas jusqu'au bout, mais il tiendra bien les premières années et, selon sa méthode, il fera comme s'il devait tenir jusqu'au bout.
    « Mais pour ses convictions, c'est l'effondrement. Il vivait dans le même rêve unanimiste qui l'avait porté pendant toute la guerre et la Libération, et qu'il avait retrouvé en revenant en 58, jusqu'à la fin de la guerre d'Algérie. Aujourd'hui, il commence à perdre ses illusions. Il se rend compte qu'une démocratie, ce n'est pas l'unanimité, c'est une majorité et une opposition. Il commence à comprendre que la "majorité présidentielle" doit se retrouver dans la "majorité législative", même si le Président doit prendre garde à toujours se comporter comme Président de tous les Français. Il est décidé à tout faire pour gagner les élections législatives de l'an prochain, sur lesquelles se jouera une nouvelle fois le sort du régime. Si nous gagnons, les institutions seront consolidées, j'espère une fois pour toutes. Si nous sommes battus, elles seront rejetées, notre opposition rétablira la IV e ; elle enverra à la casse la force de frappe ; elle anéantira tout ce qu'on a commencé à faire. C'est pour ça que le Général m'a gardé à Matignon. Il sait qu'il n'y a que moi qui puisse gagner ces élections. »
    Pompidou fixe déjà ce qu'il faudra faire après de Gaulle : « Il faudra rééquilibrer la V e République, en sauvegardant ses acquis essentiels, mais en faisant quelques gestes pour diminuer l'antagonisme entre ceux qui ont soutenu sa construction par attachement à de Gaulle et ceux qui veulent la détruire par haine de lui. (Il reprend en d'autres termes ce qu'il m'avait dit l'an dernier : "Les institutions ne se feront adopter définitivement que par une pratique apaisée 4 .")
    « En attendant, nous lui devons une fidélité absolue. C'est-à-dire, d'évoluer avec lui en fonction des réalités. Ce n'est pas à nous de nous éloigner de lui parce qu'il n'évolue pas assez vite. »
    Pourquoi Pompidou répète-t-il cette évidence ? Peut-être parce qu'il a chaque jour davantage le besoin de s'en convaincre.
    De tous ceux sur qui le Général s'appuie — « grands commis 5 » ou ceux qu'il n'appelle pas ses « barons 6 » —, il attend une absolue loyauté. Il tolère les objections, se laisse parfois convaincre par elles, mais ne saurait admettre la dissidence. S'éloigner de lui, c'est le trahir.
    Mais Pompidou connaît-il une forme subtile de l'éloignement : l'excès de présence ? En 1962 pour former son premier gouvernement, comme en juin 1958 pour former le dernier gouvernement de la IV e République, il hasardait quelques noms devant le Général, qui acceptait ou refusait ;
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