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Catherine des grands chemins

Catherine des grands chemins

Titel: Catherine des grands chemins
Autoren: Juliette Benzoni
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s'éloigna de quelques pas.

    — C'est bon, maugréa-t-elle. Admettons, je reste et tu pars. Mais comment feras-tu pour quitter Montsalvy ? Crois-tu que l'abbé te laissera partir plus facilement maintenant qu'en septembre ?
    — Il ne le saura pas. Depuis longtemps, j'ai fait vœu d'aller au Puy offrir à Notre-Dame le diamant maudit que j'ai toujours en ma possession. Il faut que je m'en sépare... il le faut à tout prix, et le plus tôt sera le mieux. Vois comme le malheur s'acharne sur moi. Gauthier, mon émissaire, mon seul espoir, Gauthier l'indestructible est tombé sur le chemin. Ma cause sera mauvaise tant que je le posséderai.
    L'abbé sait combien je désire accomplir ce vœu. Il me laissera partir.
    Les fêtes de Pâques sont une bonne époque pour célébrer Notre-Dame. Il trouvera mon désir tout naturel.
    — Tu as réponse à tout, fit Sara avec un peu d'amertume. Et j'ai peine à croire que ce plan te soit venu d'un seul coup, depuis que ce maudit ménestrel est arrivé...
    — Non, avoua Catherine. Il y a longtemps que j'y pense. Mais toi, acceptes-tu ce que je te demande ?
    Sara haussa les épaules et alla ouvrir le lit dans lequel, tout à l'heure, elle passerait la bassinoire pleine de braises pour réchauffer les draps.
    — En voilà une question ! Ce serait la première fois que je te refuserais quelque chose. Et puisqu'il n'y a vraiment pas moyen de faire autrement... Dieu sait ce qu'il m'en coûte, pourtant !
    Comme Sara ouvrait la porte pour gagner la cuisine avec sa bassinoire, la voix de Guido Cigala envahit la petite chambre. Il chantait maintenant une antique chanson du troubadour Arnaud Daniel et les paroles du vieux lai frappèrent tellement les deux femmes qu'elles demeurèrent un moment immobiles, se regardant sans parler.
    « L'or se vendra à aussi vil prix que le fer Avant qu'Arnaud desaime celle à qui il a voué son
    [cœur... »
    Catherine d'un seul coup eut l'air frappée par la foudre. Elle avait pâli jusqu'aux lèvres, mais, dans ses yeux sombres, des étoiles s'allumaient, les brillantes étoiles de l'espoir. La voix du ménestrel, mystérieusement, répondait aux questions qu'elle n'osait plus se poser.
    Sara serra farouchement son ustensile contre son cœur.

    - Je voudrais bien savoir qui nous envoie ce damné chanteur. Le Diable ? Ou le bon Dieu ? En tout cas, il a une voix qui ressemble singulièrement à celle du destin.
    Catherine avait deviné juste en pensant que l'abbé de Montsalvy ne l'empêcherait pas de se rendre au Puy- en-Velay pour les fêtes de Pâques. Il se borna seulement à lui offrir comme escorte le Frère Eusèbe, le portier du couvent, car il n'était pas convenable qu'une noble dame courût les chemins seule. La compagnie d'un moine éloignerait d'elle les dangers, tant terrestres que spirituels.
    — Le Frère Eusèbe est un homme doux et de mœurs pacifiques, dit l'abbé, mais il n'en sera pas moins pour vous une efficace protection.
    À vrai dire, la compagnie du digne portier n'enchantait pas Catherine. Sa figure ronde et rose lui paraissait trop candide et elle avait appris à se méfier de tout. Elle se demandait si l'abbé Bernard, en le lui donnant comme garde du corps, ne lui donnait pas aussi une sorte d'espion qui allait poser un nouveau problème : comment, une fois au Puy, se débarrasserait-elle du saint homme et le convaincrait-elle de rentrer sans elle, à Montsalvy ?
    Mais les difficultés de sa vie passée avaient appris à la jeune femme qu'à chaque jour suffit sa peine et que rien ne sert de se tourmenter à l'avance. Sur place, elle trouverait bien un moyen de fausser compagnie à son ange gardien. Et elle ne songea plus qu'à ce grand voyage dans lequel, avec infiniment plus d'amour que d'espoir, elle allait s'engager.
    Le temps de Carême fit éclater la croûte blanche dont se couvrait le pays. La neige et le verglas fondirent en une multitude de minces ruisseaux qui se mirent à courir dans tous les sens, striant le haut plateau et les ravins montagneux comme une chevelure de fils argentés. La terre réapparut par plaques noires d'abord puis par grandes étendues qui, timidement, se mirent à reverdir. Un peu de bleu effilocha les éternels déserts gris du ciel et Catherine pensa que le temps était venu de se mettre en route.
    Le mercredi qui suivit le dimanche de la Passion, Catherine et Frère Eusèbe quittèrent Montsalvy, tous deux montés sur des mules que leur avait prêtées l'abbé. Le temps était doux,
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