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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986
Autoren: Michèle Cotta
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Bonn ! »
    Il ne m'en veut pas de cet échange un peu vif et poursuit, s'adressant cette fois à tous ceux qui sont dans le studio autour de nous, par une longue argumentation sur les nationalisations et la défense.
    Les nationalisations : François Mitterrand, selon lui, savait très bien de quoi il s'agissait lorsque les communistes parlaient de nationalisations. La preuve, c'est que Jacques Attali, son conseiller le plus proche, avait, il y a quelques mois, dans une préface au livre d'un socialiste (je ne sais pas lequel), reconnu que les nationalisations des grandes entreprises touchaient forcément leurs filiales ! « D'ailleurs, continue-t-il, Mitterrand lui-même a parlé de 1 500 entreprises à nationaliser ; il envisageait donc bien lui aussi que des filiales, et pas seulement les grandes entreprises, seraient nationalisées ! »
    Nous lui faisons remarquer que Mitterrand avait dit que les nationalisations « toucheraient » les entreprises, et non pas que les filiales seraient toutes intégralement nationalisées. Mauvaise querelle, nous répond Marchais. Querelle qui n'est pas seulement de vocabulaire, lui répondons-nous à notre tour.
    Même acharnement contre les socialistes sur la politique de défense : Georges Marchais s'en prend à un article de Robert Pontillon dans Le Point . « Nous ne prétendons pas sortir de l'Alliance atlantique, assure-t-il. L'OTAN, c'est autre chose, c'est d'ailleurs pour cela que le général de Gaulle en était sorti. Le traité fait obligation à tout pays de faire la guerre si un des pays membres est attaqué. Cela, nous étions contre, bien sûr. Mais nous ne voulons pas pour autant sortir de l'Alliance atlantique.
    « En revanche, ajoute-t-il, par le biais d'un référendum qu'il a proposé, Mitterrand, lui, envisagerait de mettre fin au nucléaire civil, alors que c'est le débouché le plus important, et de porter ainsi atteinte à l'indépendance nationale ! »
    Je me frotte les yeux : de la construction du Programme commun, de ces heures de palabres, de discussions, de réunions, d'échanges, il ne reste vraiment plus rien. Ce qui n'empêche pas Marchais de conclure notre conversation, au moment de quitter le studio, par une plaisanterie gouailleuse : « La seule chose que les socialistes voudraient nationaliser, me dit-il, ou même socialiser, ce sont les radicaux de gauche ! »

    13 octobre, suite
    C'est la première fois que je revois Mitterrand chez lui, en fin d'après-midi, depuis la sinistre soirée de la place du Colonel-Fabien. Il affecte de ne plus y penser et vient de publier un gros recueil de ses écrits, Politiques 13 .
    Il s'agit de ses articles ou, plus largement, de textes prononcés en congrès ou à l'Assemblée nationale, tels qu'ils ont été retranscrits par les sténographes. « Je me suis retenu, me dit-il, de corriger les fautes de français : je m'en suis volontairement tenu aux sténographies officielles. »
    « Vous relèverez très peu de contradictions dans ces textes dont les premiers datent de 1951 ! » me dit-il d'emblée.
    Car, dans la publication de ce gros bouquin, ce qui lui tient le plus à cœur, c'est manifestement de dégager les constantes de son action politique. Il sait bien sûr que son passé « colonial » lié à la IV e  République a été abondamment critiqué par l'extrême gauche, PSU compris. Il le conteste avec force devant moi, ce soir. C'est la première fois qu'il fait allusion à son attitude sur l'Algérie, dont ses adversaires à gauche n'ont retenu qu'une phrase, celle qu'il a prononcée en 1954 tout de suite après les premiers incidents violents qui marquèrent les débuts de la guerre. Que de fois n'a-t-il pas entendu, d'un meeting à l'autre, des militants de gauche lui lancer à la figure la formule – tronquée – qu'il avait employée alors : « L'Algérie, c'est la France ! »
    « Il est facile de raisonner sur l'Algérie de 1953 avec l'œil de 1977. Il faut se replonger dans un pays qui était à l'époque à 90 % convaincu que la terre coloniale était bien une terre française. À l'époque où la droite et même le centre me condamnaient, j'ai passé pendant dix ans pour un bradeur d'Empire ! »
    Et de me citer le texte du télégramme des élus blancs d'Afrique noire en 1951, qui accusaient le gouvernement français de livrer l'Afrique noire au communisme international sous prétexte qu'il installait Houphouët-Boigny au pouvoir !
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