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Byzance

Byzance

Titel: Byzance
Autoren: Michael Ennis
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Haraldr regarda son épée, ses bras. Du sang. Soleil de sang, ciel de sang, et sang sur la terre. Son esprit se vida, en équilibre parfait entre l’émerveillement et la crainte. Le vent qui se mit à souffler soudain de la prairie apporta l’odeur fade de la chair ouverte. Les voix des mourants s’élevèrent en une cantate de douleur. Haraldr fut transi de peur. Il tituba hors de sa cachette et glissa sur la pente raide, puis ses yeux ne virent plus que l’herbe maculée de sang qui courait devant lui.
    Personne n’empêcha Haraldr d’entrer dans le mur de boucliers. Il regarda autour de lui, désemparé, les guerriers immenses. Un blessé gémit à quelques coudées de lui. Des cris s’élevèrent à l’avant du mur de boucliers mais Haraldr ne put voir ce qui se passait à cause des énormes dos des karls en armure qui lui bloquaient la vue. Des hommes refluèrent vers lui en groupes nombreux, le visage baigné de sueur. Les cris parurent plus forts et le choc du métal contre le métal leur fit écho. Haraldr eut l’impression que le bruit entrait dans sa peau, dans ses os, comme des aiguilles. Un karl s’avança vers lui en chancelant, pareil à une bête de métal, il toussa du sang et ses lèvres et son menton brillèrent, écarlates.
    Puis tout le monde se mit à courir et Haraldr suivit, vers la droite, sans vraiment savoir pourquoi, jusqu’à ce que le mouvement s’arrête soudain. Il comprit où il se trouvait seulement quand il sentit la pierre froide des gros rochers noirs qu’il avait remarqués du haut de son observatoire. L’étendard d’Olaf était à peine à six coudées devant lui, et le soleil moribond jetait sur le dragon d’or brodé des reflets sanglants. Il sentit comme un coup d’épée sur son bras : c’était l’étreinte d’une main.
    — Par tous les dieux, d’où sors-tu ? cria le jarl Rognvald.
    Sa byrnnie était tachée de sang et deux estafilades profondes croisaient les rides de ses joues. Le jarl appela Olaf de toute sa voix et Olaf finit par se glisser vers eux à travers la masse des karls. En voyant Haraldr, ses yeux hantés ne changèrent pas d’expression. Il cria quelques mots près de l’oreille du jarl Rognvald. Sans un second regard à son frère il se retourna pour reprendre le combat. Le jarl Rognvald lâcha le bras de Haraldr mais resta à ses côtés.
    Haraldr refusait de comprendre qu’il n’y avait plus d’espoir : le mur de boucliers avait été forcé, la plupart des hommes d’Olaf engloutis par la marée brune, et les karls venaient d’établir leur dernière ligne de défense contre les gros rochers. L’ennemi, séparé des karls par deux brasses à peine, formait une muraille hérissée d’épées et d’épieux qui aboyait et hurlait en grouillant comme un monstrueux tas de vermine. Haraldr était assez près pour voir les dents grinçantes et les yeux comme mille charbons enflammés.
    Un silence irréel se fit : cinq colosses se détachaient. Quatre d’entre eux portaient des byrnnies, mais l’homme du centre, le plus grand et le plus fort de tous, avait une armure formée de peaux de bêtes superposées, la fourrure encore sur le cuir. « Un Enragé », songea Haraldr horrifié. Une autre légende païenne se confirmait. Les Enragés, ou Chemises-d’Ours, se reconnaissaient à ce genre d’armure ; et quand Odin leur donnait la Rage-du-Combat, aucun homme ne pouvait leur résister.
    L’Enragé avança d’un pas de plus. Sa barbe noire était mêlée de fils blancs ; il avait des sourcils de bête, en touffes hérissées au-dessus de minuscules yeux rouges. Il avait perdu le bout de son nez au cours d’un combat précédent et ses narines tronquées formaient un groin de porc retroussé.
    — Thorir, cria-t-il d’une voix étrangement calme. On m’appelle le Chien. Vous avez perdu. Abandonnez votre roi et votre prince, et cela réglera nos comptes.
    Les karls répondirent par des torrents d’obscénités. Le Chien attendit calmement, les yeux brillants, la fin du tumulte.
    — Alors vous mourrez tous. Je connais le roi, dit-il en montrant Olaf. Quand nous recommencerons, je le tuerai en premier.
    Les minuscules yeux rouges parcoururent les karls – aussi perçants que des fers brûlants – et Haraldr comprit ce qu’ils cherchaient. Mais il était trop hypnotisé pour détourner son regard, et à l’instant du contact ce fut comme si un couteau lui ouvrait le corps. Tout son courage s’en fut,
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