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Byzance

Byzance

Titel: Byzance
Autoren: Michael Ennis
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mourantes. Chacun était le lieu d’une communion angoissée : un millier d’hommes se posaient à mi-voix la question à laquelle un seul pouvait répondre : « Nous battrons-nous aujourd’hui ? » Et l’ensemble de ces murmures s’élevait à la manière d’un souffle de vent irréel, comme si des ailes géantes tentaient de repousser les ténèbres.
    Le roi de Norvège regarda fixement les charbons qui vivaient encore faiblement à ses pieds et répéta le nom qu’il avait murmuré un instant plus tôt.
    — Ingigerd.
    Le jarl Rognvald repoussa de son front la mèche blanche comme de la glace. Le jarl avait plus de trois fois vingt ans et sa peau de morse était marquée de plis profonds. Comme le roi à ses côtés, il portait sa tenue de bataille, une cotte de mailles tombant jusqu’au genou, que l’on appelait byrnnie.
    — Mon roi ? demanda-t-il d’un ton absent.
    Le roi Olaf se redressa et les maillons de sa byrnnie tintèrent sur un ton triste. L’instrument et sa musique correspondaient à l’homme : à trente-cinq ans, Olaf était un colosse au visage de bébé boudeur qui aurait perdu ses fossettes pour devenir un gaillard plein de morgue. Ses yeux bleus douloureux demeuraient à la fois doux et passionnés – un regard d’homme poursuivi depuis longtemps par un destin hostile.
    — La dernière fois que j’ai vu Ingigerd, dit le roi, je lui ai promis de la serrer de nouveau dans mes bras avant de mourir.
    Il attisa les charbons avec la pointe de sa botte et des étincelles s’élevèrent, comme aspirées par un soupir dans le ciel.
    — Je l’ai serrée dans mes bras hier soir. Un rêve si réel que j’ai senti le goût de sa chair, et son cœur qui battait sous le mien.
    Le jarl Rognvald comprit que le roi avait pris sa décision. Ingigerd, la fille du roi de Suède, avait été la passion de jeunesse d’Olaf. Olaf ne l’avait jamais reconnu, mais le jarl Rognvald était certain qu’ils avaient dormi ensemble. Peut-être pour cette raison, le roi de Suède avait toujours méprisé Olaf, et avait marié Ingigerd à Iaroslav, le grand-prince des Rus. Olaf et Ingigerd ne s’étaient pas revus depuis près de vingt ans.
    — Où les combattrons-nous ? demanda le jarl Rognvald.
    — Ici. Quand ils nous verront en si petit nombre, ils descendront sur nous depuis la hauteur.
    Les deux hommes se tournèrent vers l’est. La forêt commençait à la limite de la prairie où Olaf avait établi le camp de son armée ; elle semblait baignée d’un brouillard irréel, d’un orange incandescent qui éclairait le pied des pins. Toute la nuit les éclaireurs d’Olaf s’étaient engagés dans cette forêt et en avaient ramené de funestes conclusions sur la force des ennemis, manifeste ne serait-ce que par les lueurs de leurs feux de camp. Sept fois plus nombreux que les hommes d’Olaf, ils formaient une troupe mercenaire réunie par l’invraisemblable alliance des grands féodaux de Norvège, partisans d’un pays divisé entre leurs principautés souveraines, avec Knut, le roi de Danemark et d’Angleterre, impatient d’annexer la Norvège à son empire.
    Si le roi de Norvège était définitivement écarté, Knut pourrait facilement imposer sa vision à ses alliés de naguère.
    — Nous pourrions encore plier bagage et quitter les lieux avant l’aube, dit Olaf, pour les affronter dans les conditions de notre choix. Mais le bruit se répandrait que le roi de Norvège a fui, et leurs rangs deviendraient plus nombreux. Nous mourrions un peu plus tard, et en battant retraite, pas dans l’honneur.
    Il se retourna vers le jarl.
    — Mon choix est simple. Si je choisis de vivre et de repousser le combat, la Norvège mourra. Si je choisis de mourir aujourd’hui, la Norvège vivra.
    Le jarl Rognvald prit le casque conique d’acier dans son sac de cuir et caressa du bout de ses doigts rudes les dragons gravés autour de la visière. « Le dragon de Nidafell, songea-t-il, le serpent à griffes géantes qui volera pendant la dernière nuit noire du monde. L’animal aux mâchoires d’infini, la bête qui entraînera la création entière, les œuvres des hommes et celles des dieux, dans ses entrailles sans fin. » Le jarl Rognvald croyait encore en cette apocalypse païenne, en dépit des incessants efforts du roi Olaf pour imposer Kristr comme Dieu unique de la Norvège.
    Olaf regardait le jarl réagir à la mort prochaine à la manière de sa jeunesse.
    — Je sais que
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