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Brautigan, Un Rêveur à Babylone

Brautigan, Un Rêveur à Babylone

Titel: Brautigan, Un Rêveur à Babylone
Autoren: Keith Abott
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Amérique, mais n’avaient publié que ce dernier. Son
troisième roman, Sucre de pastèque, avait été refusé ; restait son
quatrième, Avortement, qu’il avait achevé peu de temps avant que nous
nous rencontrions. Quand ce roman fut refusé, Richard ne fut plus alors sous
contrat, et se retrouva plongé dans un combat quotidien pour payer son loyer et
se nourrir.
    Le ticket de bus avait beau ne coûter que 15 cents, Richard
se rendait à pied de Geary Street à mon appartement de Haight Street, sous
Devisadero, soit à une vingtaine de blocs.
    Je lui ai demandé une fois s’il désirait un sandwich, avant
de partir en randonnée jusqu’en haut de la colline du Golden Gâte Park. Sa
manière de dire oui, puis de l’engloutir, restera à jamais gravée dans ma
mémoire. A partir de ce jour-là, il y a toujours eu de quoi manger quand il
arrivait, et nous cassions la graine avant d’entreprendre nos expéditions.
    Il ne se plaignait jamais de sa situation financière, et
s’entourait même d’un halo de mystère à ce sujet. Jamais la question ne fut
abordée lors de nos promenades dans le Haight.
    Price me confia que Richard travaillait un ou deux jours par
mois dans un labo pour quelque étrange inventeur à rincer des tubes à essai et
procéder au mélange de substances chimiques. A la veille du règlement de son
loyer, il ne manquait jamais d’aller à la librairie City Lights voir si ses
recueils de poésie, placés en dépôt, avaient été vendus –  Lay the
Marble Tea ou The Octopus Frontier. Il faisait ensuite la ronde des
bars de North Beach, et mettait le grappin sur quiconque était susceptible de
le dépanner d’un peu d’argent pour manger.
    Plus tard, quand ses problèmes d’argent ont été réglés, et
qu’il fut reconnu comme pilier de bar chez Enrico, je ne l’ai jamais vu refuser
l’aumône à qui que ce soit.
    Dès que nous sommes devenus amis, nous nous sommes approprié
les numéros comiques auxquels il se livrait avec Price. Ainsi, si l’un de nous
se trouvait à court d’argent, il n’avait qu’à dire :
    « Tu te souviens… le dollar que tu me
devais ? » et le billet changeait de poche.
    Aussi étonnant que cela puisse paraître, en cette période de
vaches maigres, le souvenir de Richard est associé à celui de mets merveilleux
et d’alcools coûteux. Que nous venions à acquérir quelques sous, et nous nous
offrions ce qui se faisait de mieux – en particulier si le toujours
généreux Price venait de faire un gros coup, chose qui, avec sa veine
d’Irlandais, arrivait souvent.
    Au printemps 1966, Baby Katherine, la copine de Price, reçut
un chèque des assurances suite à un accident de voiture. Pour fêter ça, Price
acheta une Studebaker d’occasion pour 25 dollars à un voyageur fauché récemment
revenu du Mexique. Lui et Katherine vinrent à San Francisco pour « s’en
mettre plein la panse ». Ils passèrent nous prendre sur Haight Street,
Lani et moi, puis Price mit les gaz direction North Beach. Nous devions y
retrouver Richard dans un restaurant chinois. Inutile de dire que Price n’avait
pas pris la peine de nettoyer les saloperies qui dataient des vacances
mexicaines du propriétaire précédent. Je fis tomber du siège arrière sur le
plancher pièces de rechange, sacs de couchage et bouteilles de tequila vides.
    Price s’engouffra à toute blinde sur l’autoroute à la
hauteur de Fell Street, surexcité à l’idée du festin qui nous attendait. Il
commença à crier le nom des plats dont nous allions nous régaler. Le hic, c’est
qu’il changeait de file à chaque changement de menu.
    « Non, porc Mu Shu (embardée à droite), et, ensuite, le canard fumé au thé ! » Quelque part sur l’autoroute
d’Embarcadère, le visage de Lani, jusqu’alors préoccupée par notre sécurité,
exprima l’horreur absolue : une araignée gigantesque et velue rampait sur
sa jambe, une petite auto-stoppeuse qui venait de l’autre côté de la frontière.
Sans interrompre le sermon de Price, ni le perturber dans sa conduite,
j’écrasai la bestiole d’un coup d’enjoliveur.
    Ce soir-là, Richard et Price me firent découvrir des joyaux
de la culture chinoise, ailes de poulet sauce à l’huître, soupe de requin, bœuf
de Mongolie. A la fin du dîner, nous fîmes un crochet par les bars et les cafés
de North Beach, ingurgitant allègrement pouilly-fuissé et porto de Ficklin,
Grand Marnier et armagnac, et c’est en cette joviale
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