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Brautigan, Un Rêveur à Babylone

Brautigan, Un Rêveur à Babylone

Titel: Brautigan, Un Rêveur à Babylone
Autoren: Keith Abott
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début de l’année 1985, les magazines Rolling
Stone et Vanity Fair y sont allés de leur tirade sur Brautigan, on a
claironné sur les aspects sensationnels de sa vie. Les gros titres de Rolling Stone évoquaient un passage en hôpital psychiatrique durant sa
jeunesse, et insinuaient qu’il s’était adonné à des pratiques sadomaso.
L’histoire glauque de son corps en décomposition était étalée au premier plan,
de même que les derniers jours sordides qu’il a vécus à traîner de bar en bar.
    On a passé sous silence la spécificité de son écriture, ce
qui l’avait momentanément rendu étonnamment, si bizarrement populaire. On a mis
l’accent sur le personnage de l’auteur californien à la mode qu’il incarna à
ses débuts, en pimentant son image de hippie d’une forte dose de ce cynisme si
typique des années 80. Comme si toute personnalité excentrique ne pouvait être
que la conséquence de tendances perverses et mauvaises, inévitablement mues par
quelque force malsaine.
    Ces articles défiguraient le Richard Brautigan que je
connaissais, l’homme sensible, qui prenait soin de ses amis, généreux à
l’extrême, quelqu’un qui aimait se montrer agréable avec les autres. Il me
manquait, l’auteur appliqué des meilleurs romans, celui qui retravaillait sans
cesse sa prose, pour aboutir à cette clarté et cette simplicité qui lui
tenaient tant à cœur.
    Peu après la parution de ces articles épouvantables, une
émission de radio sur les grandes ondes célébra ses écrits, et donna de lui,
cette fois-là, une impression bien meilleure. Il s’agissait non pas de
critiques ou d’anciens amis, mais essentiellement de témoignages de ses
lecteurs. Un fan a expliqué comment, lorsqu’il était étudiant, il se servait
d’expressions de La Pêche à la truite en Amérique, telles que par
exemple « Le pochard qui marchait au Kool-Aid », comme mots de passe
avec ses copains pour pénétrer des mondes mystérieux inaccessibles aux autres.
    Les meilleurs écrits de Richard rayonnaient de ce sentiment
de joie qu’on éprouve à détenir un secret. Ce sentiment qui était aussi très
présent dans sa vie de tous les jours.
    Cette courte biographie de Brautigan, c’est dans cet esprit
que je l’ai écrite, comme pour redécouvrir un souvenir enfoui dans le passé, un
secret partagé pendant les dix-huit années qu’a duré notre amitié.
    Keith Abott

 
    Chapitre 1 er
SAN FRANCISCO, 1965-1967
     
     
    En 1965, je débarquai de Seattle pour m’installer à
Monterey. Et c’est là que je fis la connaissance de Price Dunn, celui qui
servit de modèle pour le héros fantasque du premier roman que Richard a
publié : Le Général sudiste de Big Sur. Price ne parla jamais de sa
place réelle dans le roman, mais, de temps en temps, il parlait de Richard,
habituellement en termes assez vagues, laissant parfois échapper quelques
indices sur sa vie excentrique. Les commentaires de Price éveillèrent ma
curiosité. La dernière fois que Richard avait croisé le chemin de Price à
Monterey, j’étais en ville, mais nous nous étions manqués. Leur virée en roue
libre dans les bars de New Monterey avait encore fait jaser les autochtones.
Certes, la poésie et le roman de Richard m’avaient plu, mais ce qui
m’intriguait vraiment, c’était que Price pût considérer quelqu’un comme
excentrique. Le gars devait être franchement baroque car Price lui-même était
la personne la plus charmante, dissolue, poétique et imprévisible que j’aie
jamais rencontrée.
    Début mars 1966, lorsque mon amie Lani a cessé de percevoir
les indemnités de chômage, nous sommes montés à San Francisco à la recherche
d’un boulot. Ce n’est qu’au hasard et aux bas loyers que nous devons d’avoir
atterri au 777 Haight Street, car effectivement, aucun de nous deux n’avait
idée de ce qui se tramait dans le quartier. Nous n’étions installés que depuis
quelques semaines quand Price, qui arrivait juste de Monterey en voiture, se
pointa chez moi et m’emmena sur Geary Street, pour ma première rencontre avec
Richard.
    Lorsqu’il a ouvert la porte de l’appartement, je me suis dit
qu’il ressemblait à un croisement hybride entre Mark Twain et un héron. Plus
que tout ce qu’il put raconter ce jour-là, c’est sa présence physique dans
cette ambiance sombre qui m’a impressionné. On aurait dit un sosie de Twain
échappé d’un film sur la ruée vers l’or qui se serait fourvoyé dans
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