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Brautigan, Un Rêveur à Babylone

Brautigan, Un Rêveur à Babylone

Titel: Brautigan, Un Rêveur à Babylone
Autoren: Keith Abott
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d’obtenir de lui qu’on
refasse faire une nouvelle clé.
    « Quand vous en aurez fini avec la réparation de la
porte, rejoignez-nous chez Enrico pour que je vous règle. »
    Nous avons quitté la chambre et redescendu les escaliers. Au
niveau de la cage, j’ai jeté un coup d’œil à l’intérieur. Un téléviseur
remplaçait maintenant le réceptionniste, sur la chaise. La technologie moderne
venait de faire son entrée au SAN
FRANCISCO HOTEL .
    Nous avons regagné la terrasse de Enrico. Un type assis dans
un coin s’est levé. Il avait la tête rasée. L’espace d’une seconde, j’ai cru
qu’il était maquillé, car une longue traînée magenta coulait sous son œil
gauche. En y regardant de plus près, j’ai constaté qu’en fait de traînée, il
s’agissait d’une ecchymose à peu près de la taille d’une prune aplatie. Et en
plein dans la prune, des points de suture cousus à la place du sourcil gauche.
    Richard m’a quitté un instant pour aller parler à
l’homme-à-l’ecchymose. Qui l’a écouté en hochant la tête. Ils se sont serré la
main, l’homme a disparu dans le flot de Broadway. Richard est revenu à
l’intérieur et s’est assis à notre table.
    « Qu’est-ce qui lui est arrivé ? »
« Candélabre. »
    « Il a reçu un coup de chandelier ? »
« Ouais, chandelier en argent massif. Une fois l’avant-dernier chapitre
terminé, il a décidé de fêter l’événement. Mais quand il a voulu rentrer à
l’hôtel pour achever son roman, il n’a pas réussi à rentrer. Il a bastonné la
porte, et s’est fait virer. »
    Là-dessus, le garçon est arrivé. Notre mission était
accomplie, nous avons commandé deux verres de vin blanc. Richard a poursuivi sa
saga.
    « C’est un ex-journaliste. Il a retrouvé un ancien ami
dans un club fréquenté par des gens de la presse, ici, en ville. Ils ont pris
l’avion cette nuit-là pour San Diego, en route pour je ne sais plus quelle
aventure. Mon pote a été interpellé à Tijuana parce qu’il brisait des vitres à
coups de pistolet à air comprimé. Il a passé le réveillon de Noël dans la
prison de Tijuana. De retour à San Francisco, il s’est rendu pour le Premier de
l’An à une fête huppée, de manière à pouvoir emprunter l’argent pour réparer la
porte et terminer son roman. Sur place, il a essayé de magouiller pour récupérer
un peu de blé. Bref, il a dit ce qu’il ne fallait pas dire à un joueur de
football américain noir, et le gars l’a frappé avec un chandelier. »
    Le barman est venu nous servir. Il a posé les verres de vin
blanc sur la table. Richard s’est tu jusqu’à ce qu’il se soit éloigné.
    « Mon ami dit qu’il a eu de la chance à l’hôpital, au
service des urgences, le médecin de garde se trouvait être spécialiste en
chirurgie esthétique. » « Il a fait du bon boulot. »
« N’est-ce pas ? Mon pote dit qu’une fois que le sourcil aura
repoussé, on remarquera à peine la cicatrice. » Richard a porté un
toast :
    « Buvons à la santé de ce dernier chapitre, il a
sacrément intérêt à être bon. »
     
    Ce que je souhaitais
faire en
    marbre, c’était d’y
projeter mon
    ombre au travers
    Richard Brautigan

 
ANNEXE
     
     
    LE
SILENCE DES BARAQUES INONDÉES
    Richard Brautigan
    Tiré de « The Beatles Lyrics Illustrated » (Del. 1975)
     
     
    Au début de l’année, dans le Montana, la Yellowstone River
s’écoulait sous le pont Carter. La rivière s’est mise à monter de jour en jour,
jusqu’à passer à travers les maisons. Elles sont devenues comme des îles et une
drôle de solitude maladroite émanait d’elles, parce que seulement quelques
jours auparavant c’étaient des lieux où les gens vivaient (riaient, pleuraient,
amour et mort) alors que maintenant elles appartenaient à la Yellowstone River.
    A chaque fois que je passais du côté de ces maisons lorsque
je descendais en ville, j’étais envahi d’un sentiment de tristesse et quelques
mots me venaient à l’esprit. C’étaient toujours les mêmes mots : « Le
Silence des Maisons Inondées ». Ils se répétaient à l’infini. J’en vins à
les accepter comme faisant partie du trajet qui menait en ville.
    Ces paroles me serviront bien un jour à quelque chose, me
disais-je après coup, mais je ne savais pas en quoi consisterait ce quelque
chose, ni quand ce fameux jour viendrait.
     
    Eleanor Rigby picks up the rice in the
    church where a wedding has been,
    lives in
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