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Brautigan, Un Rêveur à Babylone

Brautigan, Un Rêveur à Babylone

Titel: Brautigan, Un Rêveur à Babylone
Autoren: Keith Abott
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l’épave.) Avait-il abattu une cloison de plus, chez lui ?
Et que s’était-il passé avec le stock de photos de Weston qu’ils avaient
planquées, celles trouvées dans un hangar de Big Sur ? Conduisait-il
toujours la camionnette remplie d’orchidées défraîchies, datant de son dernier
job de jardinier à Pebble Beach ? Et sa Nash Metropolitan ? Lui
fallait-il toujours une grande rasade de liquide pour freins avant de démarrer
le matin ? Au fait, quel était le nouveau nom de Price, pour l’annuaire,
le commandant Ralph G. Gore, William Bonney, Delmer Dibble ou Jesse
James ?
    Mon premier séjour à San Francisco dura du printemps à
l’automne 1966. Je travaillais à l’aéroport pour la Pan Am, et Lani avait
trouvé un boulot à la Croix-Rouge. Elle avait vécu dans cette ville pendant
deux ans avant que nous nous installions ensemble à Monterey. Elle en
connaissait donc les plaisirs et les délices. Pour moi, en revanche, c’était ma
première expérience de vie citadine. Une nourriture nouvelle, des gens
nouveaux, tout le monde se connaissait dans le quartier ; tout cela
transcendé par l’épanouissement de Haight Ashbury et de la révolution
psychédélique.
    Cette période ne fut toutefois pas complètement idyllique,
avec des émeutes fréquentes dans le quartier du Fillmore et la garde nationale
qui patrouillait dans les rues quelques semaines seulement avant notre départ.
Pourtant, ces mois passés dans le sud du Haight m’apportèrent tout ce que la
civilisation urbaine pouvait offrir de mieux : une vue magnifique, des
rues animées, des parcs à proximité et une alimentation exotique.
    Dès nos premières promenades dans le parc Yerba Buena, sur
le Haight et dans le Golden Gâte Park, les signes d’une libération en marche
n’étaient que trop clairs. Le LSD n’était pas encore interdit. A Seattle, des
acides, je m’en étais enfilé un paquet, et j’en avais aussi revendu, mais,
aussi pervers que cela puisse paraître, je m’étais juré, en arrivant en Californie,
de ne plus y toucher. Il me semblait avoir tiré tout ce que je pouvais
apprendre des drogues psychédéliques. Une simple balade dans Panhandle me fit
comprendre que je faisais partie d’un groupe plus large que celui des écrivains
affamés. Dès les premières semaines, j’eus le sentiment d’être pris dans un
mouvement historique. Peu importait, en définitive, le sens de l’histoire, je
trouvais cela magnifique.
    « Si vous arrivez à vous souvenir de quelque chose, à
propos de cette période, c’est que vous n’y étiez pas », est l’une des
plaisanteries de Robin Williams. En ce qui me concerne, ce n’est pas tout à
fait exact. 1966 me rappelle la crasse du brouillard matinal, le parfum des
eucalyptus. Je revois les visages souriants, les vêtements colorés circulant dans
Panhandle, disant oui au monde avec tant d’assurance.
    Cette atmosphère de confiance, de grâce et de mystère ne
s’est pas prolongée au-delà de 1967. Mais l’idée d’une communauté capable
d’accéder à un monde meilleur était bien là, enivrante. C’est de cette période
que date mon amour des appartements hauts de plafond de San Francisco, aux
moulures sculptées et aux fenêtres tout en hauteur. De la coupole du grenier
s’élevait le rêve merveilleux d’un bureau idéal pour mes travaux d’écriture.
    Ces appartements hauts et ensoleillés m’inspiraient.
J’entrepris la décoration de notre piaule avec du ruban adhésif que j’avais
volé à la Pan Am, normalement utilisé pour indiquer les destinations. Une
couleur par ville ou pays. Dans la cuisine, je confectionnai un mur tourbillonnant
de couleurs, m’attachant à insuffler un peu de lumière dans ce sombre
appartement. Tout ce que je réussis en définitive à obtenir fut d’horrifier mon
propriétaire. Mon histoire d’amour avec la ville de San Francisco a coïncidé
avec ma fascination pour la vie de Richard, et dès lors, les deux sont devenus
indissociables.
    Quand je ne travaillais pas, nous nous retrouvions chez moi,
avant de partir pour des excursions dans Haight Street, jusqu’au parc. Au cours
de ces escapades, il me fit quelques révélations concernant son passé récent.
Depuis deux ans, il vivait sur les avances d’un contrat avec les éditions Grove
Press. Ils avaient une option sur ses quatre premiers romans, et avaient ainsi
acheté le premier, Le Général sudiste de Big Sur, et en second, La
Pêche à la truite en
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