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Brautigan, Un Rêveur à Babylone

Brautigan, Un Rêveur à Babylone

Titel: Brautigan, Un Rêveur à Babylone
Autoren: Keith Abott
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d’alcool jointe à une partie de
pêche à la mouche lui apporta pour un temps un peu de répit.
    Ces manœuvres n’étaient pas uniquement destinées à Richard,
elles me concernaient également. Son instabilité était éreintante. Nous avions
passé ensemble des journées et des nuits de folie, en Californie, mais je ne me
doutais pas qu’il ait pu continuer sur cette lancée. J’avais cru naïvement
qu’il se calmerait aussi quand je me serais retiré de la course.
    Je n’étais pas le seul à le penser : nombre de ses amis
étaient persuadés que les festivités cessaient quand ils se quittaient. Alors
qu’en réalité, l’alcoolisme de Richard aidant, la fête battait son plein même
quand les autres n’étaient plus là.
    Je n’aurais pas pu tenir beaucoup plus longtemps.
Heureusement, des visiteurs arrivèrent un jour, un Texan assez âgé, accompagné
de ses fils adolescents. Ils avaient tous trois passé plusieurs années dans le
Montana et réalisaient maintenant une sorte de tournée nostalgique des rivières
à truites. Le Texan essayait d’écrire un roman et sollicitait des conseils de
la part de Richard. A l’évidence, ils idolâtraient la littérature de Brautigan
et connaissaient de bonnes histoires de truite. A leur contact, Richard se
détendit, ses idées noires se dissipèrent.
    C’est en présence des enfants que Richard se montrait dans
les meilleures dispositions. Il racontait des blagues, posait des questions.
Grâce à lui, les enfants se sentaient mis en valeur, ils faisaient partie de la
bande. Richard pressait également le père de questions : où se trouvaient
les trous d’eau les plus propices à la pêche ? Le Texan en connaissait un
rayon, Richard tendait l’oreille aux anecdotes hilarantes concernant la vie à
Livingston. Le Texan avait beau y avoir vécu plusieurs années, il y était
toujours un étranger. Il prétendait qu’il fallait attendre deux hivers avant
que les gars du coin vous acceptent. Il avait une conception burlesque et sceptique
des us et coutumes du Montana.
    Pendant leur séjour, ils procurèrent à Richard une compagnie
et une distraction, et la vie redevint un vrai plaisir, presque comme au bon
vieux temps. Détourné de ses préoccupations, il recouvra son humour contagieux.
Son passé récent fut relégué aux oubliettes.
    Le jour du départ, le Texan disparut après le petit déjeuner
pour se rendre en cachette à un trou poissonneux des environs. Il en rapporta
une truite géante. Il l’offrit à Richard avec, en cadeau, des directives
précises pour accéder au « Trou en roue de chariot ».
    Richard appréciait la pêche en tant que sport ; mais il
relâchait habituellement ses captures et ne les conservait que rarement à des
fins culinaires. Cependant, quand c’était le cas, il s’assurait qu’elles
étaient jeunes et pouvaient tenir dans la poêle, vingt-cinq centimètres tout au
plus.
    Transporté de joie par ce double cadeau, et ému que le Texan
lui ait révélé la situation du mythique « Trou en roue de chariot »,
Richard n’en était pas moins perplexe : qu’allait-il faire d’une truite de
cette taille ?
    Tenant le monstre à bout de bras, il parcourait la maison en
grommelant :
    « On ne va jamais manger tout ça. Nom de Dieu !
que va-t-on en faire ? C’est le Parrain des Ruisseaux. »
    Les mesures à prendre vinrent à bout de l’imagination de
Richard, et le côté obsessionnel de sa paranoïa revint au galop. Il se lança
dans une affabulation longue et compliquée de son meilleur cru, où il était
question de la crucifixion de la « Truite Corleone » sur une barrière
d’autoroute sous une vieille Fédora ; tout cela en guise d’avertissement
pour les touristes, qui feraient mieux de se méfier s’ils ne voulaient pas
passer la nuit avec les poissons.
    Le « Parrain des Ruisseaux » fut finalement casé
au congélateur, mais l’événement inspira Richard pour le reste de la journée.
C’est en fin de compte Maria Hjortsberg, une des personnes qu’il appréciait le
plus, qui en hérita, pour un grand dîner qu’elle donnait bientôt. La truite fut
servie avec des épinards et Richard en fut ravi.
    Siew-Hwa, une amie de Price Dunn et Richard, m’avait touché
deux mots du mauvais esprit de compétition qui régnait sur la scène du Montana.
Les récits de Siew-Hwa concernant les démonstrations phallocrates du Montana
corroboraient les comptes rendus de Price. Price, dont le
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