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Brautigan, Un Rêveur à Babylone

Brautigan, Un Rêveur à Babylone

Titel: Brautigan, Un Rêveur à Babylone Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Keith Abott
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comportement viril
remontait à une tradition sudiste, estimait que ces spectacles étaient
grossiers et agressifs. Ce que je pus clairement constater au cours de mon
séjour, c’est que, si Richard se prétendait membre d’une communauté machiste,
les autres mâles ne semblaient pas particulièrement s’en préoccuper.
    Le spectacle auquel j’ai assisté, en revanche, a été celui
de différents artistes partageant leur vie entre famille et affaires, et dont
le mode de vie était sans commune mesure avec l’isolement, l’ennui et l’état de
frustration de Richard. Il me fut difficile de dégager ce que Richard pouvait
bien avoir en commun avec ces gens, outre la gloire. Richard ne cachait pas son
admiration pour les travaux de Tom McGuane et Jim Harrison. Pourtant, je ne vis
que peu de rapports littéraires entre eux, hormis le fait que leurs héros
étaient des solitaires.
    Contrairement aux personnages de Richard, leurs héros
étaient des hommes rudes et débrouillards qui s’adonnaient à des joutes machos.
    Nulle part ailleurs, je n’ai rencontré une vie aussi
déboussolée que celle de Richard dans son ranch. A l’exception peut-être de la
fois où j’ai attendu Tom McGuane chez lui pour lui emprunter son tracteur. J’y
suis resté deux heures pendant lesquelles Margot Kidler, sa ravissante épouse,
m’a expliqué ses propres projets : introduire des notions de philosophie
féministe dans les ranchs du Montana, sans que la demande locale pour ce type
d’enseignement ait été explicitement formulée.
    Les habitants du Montana n’étaient pas dépourvus d’un solide
sens de l’humour. Je me souviens de ce barbecue au ranch McGuane. Brautigan
avait entrepris un passage en revue, pimenté de moult détails ennuyeux, de
toutes les informes améliorations qu’il avait apportées à sa propriété. Rien de
tout cela n’était captivant, et tout le monde a fini par déguerpir, à
l’exception du contremaître de McGuane, un vieux « rancher » du nom
de Millard Lambert.
    Il a écouté patiemment tout ce baratin. Quand il a jugé que
Richard avait épuisé son stock de menus détails insignifiants concernant la
plomberie, la toiture et les réparations, Millard a hoché la tête et a déclaré
d’une voix calme :
    « Ah ! ouais, on dirait que vous savez exactement
ce que vous voulez, vous… mais vous savez », il a marqué une pause et a
jeté un œil du côté du corral, « vous savez… avec un bon bulldozer vous
abattez la maison d’un coup… ensuite, ouais, disons au printemps d’après, ce
sera vachement chouette, une fois que les fleurs sauvages auront
repoussé. »
    Millard hochait la tête comme pour appuyer le bien-fondé de
sa suggestion. Je n’ai pu m’empêcher d’éclater de rire. Tout ce qu’il venait de
lui servir était épatant. Je me suis retourné vers Richard. Il dévisageait
Millard avec une moue offensée. Brautigan a tourné les talons, et, indigné, a
déguerpi, tandis que Millard est retourné voir le fils de McGuane qui
s’entraînait au lasso sur un chevalet à scier le bois.
    Peu après ce barbecue, Richard s’est remis à souffrir
d’insomnies. Un matin, il m’a annoncé que la Stélazine lui avait permis de
passer une bonne nuit, alors que je l’avais entendu rôder dans la cuisine une
bonne partie de la nuit. Mais je ne demandais qu’à le croire, car je lui
souhaitais un repos de l’esprit, fût-il illusoire.
    L’après-midi, je suis revenu du travail, j’ai déjeuné avec
lui, puis j’ai décidé de me détendre sur le canapé. Pendant que nous
discutions, je me suis entraîné à faire quelques exercices de calligraphie
italique. Richard déambulait dans la pièce. Il s’est soudain interrompu pour me
demander ce que j’étais en train de fabriquer. « Je m’initie à un nouvel
art », lui dis-je. « Vraiment ? Montre-moi. » Je lui ai
tendu la feuille. Comme à mon habitude, j’avais inscrit des mots dont les
lettres combinaient les difficultés que je devais travailler. Le hasard a fait
que certains étaient tirés de notre conversation.
    Richard a observé le bloc-notes et a reconnu un des mots
qu’il avait prononcés. Il m’a grimacé un sourire, il a pointé le mot du doigt
et a déchiré avec précaution les deux feuilles d’exercice. Sur ce, il m’a tendu
le bloc vierge. Il a plié les feuilles en deux, avant de les déchirer à nouveau
en deux, et s’est éclipsé.
    Tout s’est déroulé si rapidement que

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