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Barnabé Rudge

Barnabé Rudge

Titel: Barnabé Rudge
Autoren: Charles Dickens
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de son double menton, empêchait
son chapeau à trois cornes et sa petite perruque ronde d'être
emportés par un coup de vent, il n'y avait pas moyen qu'il pût
dissimuler son embonpoint et sa figure rebondie ; certaines
marques de doigts salis qui s'étaient essuyés sur son visage
ajoutaient seulement à son expression bizarre et comique, sans
diminuer en rien l'éclat de sa bonne humeur naturelle.
    « Il n'est pas blessé, dit enfin le
voyageur. relevant à la fois sa tête et la lanterne.
    – Vous avez donc fini par découvrir
ça ? répondit le vieillard. Mes yeux ont été jadis meilleurs
que les vôtres ; mais aujourd'hui encore je n'en changerais
pas avec vous.
    – Que voulez-vous dire ?
    – Ce que je veux dire ! c'est que je
vous aurais bien dit, il y a cinq minutes, qu'il n'était pas
blessé. Donnez-moi la lumière, l'ami ; continuez votre chemin,
et galopez plus doucement ; bonne nuit. »
    En tendant la lanterne, l'homme dut lancer ses
rayons en plein sur la figure de son interlocuteur. Leurs yeux se
rencontrèrent au même instant. Il laissa tout à coup tomber le
falot et l'écrasa sous son pied.
    « N'avez-vous donc jamais vu jusqu'ici de
figure de serrurier, pour tressaillir comme si vous vous trouviez
en face d'un fantôme ? cria le vieillard dans sa
voiture ; ou bien serait-ce, ajouta-t-il très vite en fourrant
sa main dans la manne aux outils et en tirant de là un marteau,
quelque ruse de voleur ? Je connais ces routes-ci, mon cher.
Quand j'y voyage, je n'ai sur moi que quelques shillings, à peine
la valeur d'une couronne. Je vous déclare franchement, pour nous
épargner à tous deux de l'embarras, qu'il n'y a rien à attendre de
moi qu'un bras assez vigoureux pour mon âge, et cet outil dont, par
une longue habitude, je peux me servir assez prestement. Tout n'ira
pas à votre gré, je vous le promets, si vous tâtez de ce
jeu-là. »
    En disant ces mots, il se tint sur la
défensive.
    « Je ne suis pas ce que vous me croyez,
Gabriel Varden, repartit l'autre.
    – Qu'êtes-vous alors et qui
êtes-vous ? répliqua le serrurier. Vous savez mon nom, à ce
qu'il paraît ? Que je sache donc le vôtre.
    – Ce que je sais, je n'en suis pas
redevable à une confidence de votre part, mais à la plaque de votre
chariot ; elle en informe toute la ville.
    – Alors vous avez de meilleurs yeux pour
cela que pour votre cheval, dit Varden, descendant de sa chaise
avec agilité ; qui êtes-vous ? Voyons votre
figure. »
    Pendant que le serrurier descendait, le
voyageur s'était remis en selle, et de là il avait à présent en
face de lui le vieillard qui, suivant tous les mouvements du cheval
plein d'impatience sous la bride serrée, se tenait le plus près
possible de son inconnu.
    « Mais voyons donc votre figure.
    – Reculez-vous.
    – Allons, pas de mascarades ici !
dit le serrurier. Je ne veux pas que l'on raconte demain au club
que Gabriel Varden s'est laissé effrayer par un homme qui faisait
la grosse voix dans une nuit ténébreuse. Halte-là ! Voyons
votre figure. »
    Sentant que résister davantage n'aurait
d'autre résultat que de le mettre aux prises avec un adversaire qui
n'était nullement méprisable, le voyageur rejeta en arrière le
collet de sa redingote et se baissa en regardant fixement le
serrurier.
    Jamais peut-être deux hommes offrant un plus
frappant contraste ne se trouvèrent face à face. Les traits
rougeauds du serrurier donnaient un tel relief à l'excessive pâleur
de l'homme à cheval, qu'il avait l'air d'un spectre privé de
sang ; la sueur dont cette rude course avait humecté son
visage y pendait en grosses gouttes noires, comme une rosée
d'agonie et de mort. La physionomie du serrurier s'illuminait d'un
sourire : c'était bien là un homme qui s'attendait à
surprendre dans l'étranger suspect quelque malice cachée de l'œil
ou de la lèvre pour lui révéler une de ses connaissances familières
sous ce subtil déguisement, et détruire le charme de la
mystification. La figure de l'autre, sombre et farouche, mais
contractée aussi, était celle d'un homme réduit aux abois, tandis
que ses mâchoires serrées, sa bouche grimaçante, et, plus que tout
cela, un mouvement furtif de sa main dans sa poitrine, semblaient
trahir une intention terrible, qui n'avait rien de la pantomime
d'un acteur ou des jeux d'un enfant.
    Pendant quelque temps ils se regardèrent ainsi
l'un et l'autre en silence.
    « Hum ! dit le serrurier lorsqu'il
eut
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