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Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres
Autoren: Gitta Sereny
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théâtre.
    De son côté, Heli, la sœur de Frau Stangl a commenté cette période. « Oui, j’ai vu Resl, dit-elle. Elle s’est arrêtée chez moi la dernière fois qu’elle est venue [en 1970]. Elle a vu tous les autres membres de la famille. Nous nous sommes senties plus proches qu’autrefois. Pourtant je n’ai jamais compris comment elle avait pu se résoudre à aller à Steyr où tout le monde la connaissait. » Elle secoue les épaules : « Bon, elle a dû sentir qu’elle pouvait – ça la regarde. La dernière fois qu’elle est venue elle était toute gaie, pleine d’entrain. »
    « Croyez-vous qu’elle aurait pu l’empêcher ? » De nouveau, elle eut un geste des épaules : « Elle aussi était ambitieuse, je pense. Voyez-vous, j’ai eu une vie agréable moi aussi, bien que je sois restée seule si longtemps. Mais c’était si différent – tellement, tellement différent. J’ai du mal à comprendre. Mais Resl a toujours voulu arriver au sommet. D’une certaine façon, elle y est peut-être arrivée… »
    « Mon témoignage a duré deux heures, dit Frau Stangl à propos du procès. Je n’avais jamais eu à me présenter devant un tribunal et j’étais horriblement nerveuse. Naturellement je n’ai pas dit que je n’avais jamais cru l’histoire de Paul sur l’appartenance au parti illégal, et combien j’avais été désillusionnée. Comment aurais-je pu ? Si Paul ne vous en avait pas parlé lui-même, peut-être que je ne vous en aurais pas parlé non plus. Ils n’ont pas cru que je n’avais rien su de Hartheim, et c’était pourtant la vérité. Oui, ils m’ont demandé si j’avais su ce qu’était Sobibor quand je m’y suis trouvée. J’ai répondu qu’un SS ivre me l’avait appris…
    « Quand je suis arrivée, je n’ai eu le droit de voir Paul que deux fois par semaine pendant un quart d’heure, en présence d’un gardien. Ensuite, tout en demeurant présents, les gardiens ont été beaucoup plus gentils ; je pouvais rester plus longtemps, ils m’ont même permis parfois de lui apporter de la bière. Ce qui était étrange, c’est que souvent il me parlait à peine. Il restait assis à la table, en face de moi, dans cette petite cellule-parloir, mais il bavardait avec les gardiens, pas avec moi ; il leur parlait de leurs permissions, de leurs excursions, des endroits qu’il connaissait et où il avait été aussi. Ça me faisait de la peine et il m’arrivait de lui dire : “Tu ne veux pas me parler à moi. “ »
    Stangl avait d’excellentes raisons pour cela : il savait qu’à ce moment-là elle avait lu tout ce qui avait paru sur son procès et sur lui. Il désirait éperdument sa présence – elle était autorisée à l’embrasser, à le serrer dans ses bras – mais il redoutait ses questions, et son bavardage fébrile avec les gardiens servait à les éviter à tout prix. Ce qui est ressorti le plus clairement de mes conversations avec lui est que la seule chose qui comptait pour lui à la fin, c’était la fidélité et l’amour de sa femme et de ses enfants ; l’autre raison était qu’il se rendait parfaitement compte de la profonde aversion de sa femme pour ce qu’il avait fait. Il n’était pas assez pénétrant pour mesurer combien ténue était la ligne de démarcation (pour elle aussi) entre la justification et l’acceptation de ce qu’il avait fait, d’une part, et d’autre part le fait de continuer à vivre selon ses principes fondamentaux à elle – qui le condamnaient lui. Envahi par une véritable terreur, il ne pouvait rien envisager d’autre que la possibilité – et sans doute à cette époque, la probabilité, il le savait sans doute – d’être rejeté par elle.
    Au fond, c’est quand il a dû admettre qu’elle savait – qu’après ce qui s’était passé, même s’il sortait un jour de prison, la vie avec sa famille serait impossible – qu’il a décidé de parler avec moi. J’en suis venue à le comprendre au cours de mes entretiens avec lui ; et il l’a en quelque sorte confirmé peu avant de mourir dans les dernières lettres à sa femme où il disait ce qu’il éprouvait à propos de ces conversations.

6
    La dernière fois que j’ai vu Frau Stangl, nous avons parlé des causes et des effets et des raisons qui se situent au-delà des raisons.
    « Le jour du verdict, dit-elle – je sais que vous n’avez pas être d’accord, comme vous ne l’avez pas été d’autres
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