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Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres
Autoren: Gitta Sereny
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de bonne heure. »
    « Chère dona Gitta, je viens vous supplier de rectifier la réponse que j’ai faite à une de vos questions, ayant eu trop peu de temps pour peser mes paroles pendant cet entretien.
    « La question était de savoir si mon mari éventuellement aurait trouvé le courage de quitter Treblinka si je l’avais obligé à choisir : « Moi ou Treblinka. « J’ai répondu – avec hésitation – : « Il m’aurait choisie, moi. »
    « Ce n’est pas exact car, tel que je le connais – si bien – il n’aurait jamais décidé sa propre perte ou celle de sa famille. Et c’est à cette conclusion que j’étais arrivée au cours de ce mois de juillet critique de 1943.
    « Je peux donc dire en toute sincérité que ma vie a toujours été honorable, depuis le début jusqu’à aujourd’hui.
    « Je vous souhaite encore une fois beaucoup de bonheur, chère dona Gitta.
    Votre Thea Stangl. »
    J’ai téléphoné cette même nuit, très tard, à Frau Stangl. « Quand avez-vous écrit cette lettre ? ai-je demandé. Ça ressemble à quelque chose écrit en pleine nuit. Ce n’est pas réellement ce que vous vouliez dire, n’est-ce pas ? » Elle s’est mise à pleurer « J’ai pensé, pensé, pensé… dit-elle. Je ne savais que faire. Finalement je l’ai écrite à 3 heures du matin et je l’ai portée par le premier bus. »
    « Que souhaitiez-vous que je fasse ? » ai-je demandé.
    « Je ne sais pas, je ne sais vraiment pas. »
    J’ai dit à Frau Stangl que je mettrais dans le livre ce qu’elle m’avait dit la veille et qui était ce que je croyais être la vérité ; mais que j’ajouterais aussi la lettre, qui montrerait simplement, nous le savons tous, que la vérité est une chose terrible, trop terrible quelquefois pour que nous puissions vivre avec elle.

7
    Il était peut-être plus facile à son mari, après tout, de dire la vérité, car il savait, je crois, qu’il mourrait après l’avoir dite.
    La dernière journée que j’ai passée avec Stangl était un dimanche, le 27 juin 1971. Il avait eu de légers maux d’estomac toute la semaine et je lui avais apporté ce jour-là dans une Thermos une certaine soupe autrichienne que sa femme, m’avait-il dit, lui faisait lorsqu’il ne se sentait pas bien. Quand j’ai regagné la prison, après la pause d’une demi-heure de déjeuner, il paraissait tout autre : comme épanoui, le visage lisse, le regard vif.
    « Je ne peux pas vous dire à quel point je me sens bien, tout à coup, a-t-il déclaré. J’ai mangé cette soupe merveilleuse et je me suis étendu. Et je me suis reposé si totalement, comme jamais peut-être ça ne m’était arrivé. Oh ! comme je me sens bien », a-t-il répété.
    Le temps dont j’avais disposé touchait à sa fin, je pensais ne plus revenir qu’une fois le mardi suivant, pour une heure ou deux, afin de reprendre quelques points importants avant de regagner Londres, et le directeur de la prison avait dit que je pouvais rester plus longtemps que d’habitude ce dimanche-là. Nous avons passé quatre heures, l’après-midi, à revenir sur plusieurs questions dont nous avions déjà parlé.
    Il s’est de nouveau étendu sur le livre de contes de Janusz Korczak ; il était hanté par l’idée de ce qu’il fallait enseigner aux enfants et de ce qu’il ne fallait plus jamais leur enseigner. Il a parlé longuement, d’un ton affirmatif mais réfléchi et avec calme. Changeant de sujet, il a abordé la stupidité en général. Et à mesure qu’il s’échauffait en se reportant à sa propre expérience, comme il lui était arrivé souvent dans ces entretiens, toute sa personne s’est transformée brusquement et d’une façon saisissante : la voix s’est faite plus dure et plus forte, l’accent plus provincial et le visage plus rude. « Ça lui arrivait, avait dit sa femme, oh ! mon Dieu, je l’ai vu de nouveau comme ça au Brésil – mais pas pendant des années ; seulement les deux dernières années ; ça se produisait surtout quand il conduisait et qu’il se mettait en colère contre les autres chauffeurs – contre ce qu’il appelait la stupidité des gens et ça me faisait peur de lui voir ce visage. »
    « Au Brésil, a-t-il dit d’une voix tranchante, avec un accent presque vulgaire, la stupidité de quelques-uns chez Volkswagen, il fallait voir ça pour y croire. Ça me rendait fou quelquefois. » Il s’est mis à gesticuler. « Il y avait des
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